Une plongée dans les balbutiements de l’histoire de la Terre

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Jack Gillespie, Institut des sciences de la Terre

Comment la croûte continentale de la Terre s’est-elle formée et transformée au cours des temps géologiques ?

Cette question sur le début des dynamiques fondamentales de notre planète reste non résolue. Jack Gillespie, qui vient de prendre ses fonctions de Maître assistant Ambizione1 à la Faculté de géosciences et de l’environnement (FGSE), souhaite élucider ce mystère. 

Comment inférer une histoire de plus de 4,5 milliards d’années ?

Jack Gillespie : Je suis géochimiste des isotopes. Grâce à la composition isotopique des roches, je tente de comprendre ce qu’elles ont vécu – les processus géologiques qu’elles ont traversés au cours de leur longue histoire. Grâce à ces « traceurs », je m’attelle à résoudre cette question qui me taraude : la Terre des origines était-elle similaire à celle que nous connaissons ? Ou l’environnement tectonique des premiers temps et qui a conduit à la Terre d’aujourd’hui était-il profondément différent ?

« Nous savons si peu de chose de l’origine de la planète sur laquelle nous vivons »

Jack Gillespie

Pourquoi les premiers temps de la Terre vous intéressent-ils ?

J. G. : L’ampleur de notre ignorance est immense. Nous connaissons si peu de choses sur une période si grande ! C’est ce que je trouve captivant. Et plus nous remontons dans le temps, plus le défi est important, car nous disposons d’archives de plus en plus petites et fragmentées.  Les roches les plus anciennes dont nous disposons ont 4 milliards d’années. Pendant les 500 premiers millions d’années, nous ne disposons simplement d’aucune roche intacte.

A présent, de quelle manière pouvez-vous relever ce défi de saut dans le passé lointain ?

J. G. : Aujourd’hui, nous pouvons « faire plus avec moins ». Nous avons amélioré notre compréhension conceptuelle et nos capacités techniques. Nous pouvons donc examiner un très petit volume de matériel et en extraire plus d’informations. Il y a quelques décennies encore, les géologues devaient réduire et dissoudre de gros morceaux de roches pour en arracher des enseignements géochimiques. 

Mon projet synthétise et rassemble un ensemble d’avancées puissantes afin de mettre en place de nouveaux outils qui pourront relever ce défi.

«Les conditions qui prévalaient lors de la formation d’une roche laissent des signatures différentes dans les minéraux. Nous les déchiffrons pour tenter de reconstituer ces conditions.»

Jack Gillespie
Le minéral zircon est l’un des principaux outils utilisés par les géochimistes : il est robuste, difficile à détruire et se trouve en petits fragments dans de nombreuses roches. Sur cette micrographie électronique, on voit par ailleurs des inclusions d’un autre minéral à l’intérieur : l’apatite. Plus facilement destructible, elle contient pourtant un ensemble d’informations complémentaires au Zircon sur notre passé. Jack Gillespie vise à accéder à ces informations et à leur donner une signification, d’une manière que nous ne pouvions pas faire auparavant. Il tente notamment de comprendre quand et comment ces minéraux se sont formés, afin d’en déduire des processus terrestres de grande envergure. (© Jack Gillespie).

À quoi ressemblait la Terre des origines ? 

Était-ce une période infernale, comme le suggère son nom « Hadéen », en référence au dieu des enfers, Hadès ? Cette idée est quelque peu datée et nous savons depuis un certain temps que ce n’était pas exactement le cas. Mais la nature des paysages primaires et les forces qui les ont gouvernés pendant l’Hadéen et l’Archéen restent incertaines. Certains mettent l’accent sur l’histoire violente et mouvementée de la Terre primitive, telle qu’illustrée à gauche, avec des ciels embrasés et des météorites déferlant de toute part.

D’autres affirment que la vision plus paisible de droite, avec ses volcans et ses étendues d’eau tranquilles, est plus fidèle à la réalité. Ce scénario est convaincant, les mares chaudes à la lisière de la terre étant considérées comme un endroit propice à l’éclosion de la vie.

Pourquoi avoir choisi la FGSE pour votre projet Ambizione ?

J. G. : Plusieurs groupes à Institut des sciences de la Terre (ISTE) s’interrogent sur les débuts de la Terre, nos approches s’enrichiront les unes les autres. Johanna Marin Carbonne travaille sur le lien entre l’atmosphère, l’océan et les continents primitifs, les processus qui ont conduit à la vie et à l’oxygénation de l’atmosphère. Othmar Müntener s’intéresse à la création de la croûte terrestre.

La sonde ionique SIMS du bâtiment est également idéale pour ce que je veux faire : mesurer de minuscules éléments, et en extraire des informations.


  1. Ambizione est une bourse carrière du Fonds National Suisse, à destination des jeunes chercheuses et chercheurs (dans les quatre ans suivant l’obtention du doctorat) qui ambitionnent réaliser et diriger un projet de manière autonome. Les subsides sont octroyés pour une période de quatre ans. ↩︎

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