Rafraichissez vos connaissances en météorologie avec la chronique de Jean-Michel Fallot, géographe, MER à l’Institut de géographie et durabilité et spécialiste du climat. Régulièrement, M. Fallot fait un point synthétique sur le temps en Suisse, sur les tendances climatiques, saisonnières et sur l’histoire de la météo dans notre pays, sur inspiration de données de MétéoSuisse.
Difficile à le croire après toute la neige tombée dans les Alpes ces dernières semaines, mais selon MétéoSuisse, janvier 2018 sera en moyenne le mois de janvier plus chaud enregistré en Suisse depuis le début des mesures en 1864, devant janvier 2007 !
Cette douceur a surtout concerné les régions de basse altitude (Plateau, vallées alpines), car les situations anticycloniques avec des accumulations d’air froid au fond des vallées et des dépressions ont été relativement rares. Ainsi, Genève va mesurer une température moyenne de 6.2°C pour le mois de janvier 2018 (soit une valeur normale pour un mois de mars), loin devant le précédent record de 4.5°C en 1936. De même, la température moyenne de janvier 2018 s’élèvera à 4.0°C à Sion, soit un 1.0°C de plus que le précédent record de janvier 2007. Un gain thermique sera aussi observé en montagne tout en restant éloigné des records de douceur enregistrés précédemment pour ce mois.
Janvier 2018 s’est également signalé par des afflux d’air humide fréquents d’Ouest à Nord-Ouest depuis l’Atlantique ou du Sud à Sud-Est depuis la Méditerranée qui ont provoqué des chutes de neige abondantes par effet de barrage sur les 2 versants des Alpes. Cela s’est traduit par un danger d’avalanches maximal de 5 sur 5 pendant plusieurs jours dans la plupart des régions alpines et plusieurs vallées alpines ont été coupées du monde. Il faut remonter jusqu’en 2008 (voire 1999) pour retrouver une situation aussi critique sur ce plan-là. Il est ainsi tombé 250 cm de neige fraîche sur l’ensemble du mois de janvier 2018 à Davos à 1600 m/mer et 285 cm à Arosa à 1840 m/mer dans les Grisons, ce qui correspond au 4ème ou 5ème cumul mensuel le plus élevé pour un mois de janvier à ces 2 endroits depuis 1931 ou 1890, les records pour ce mois étant de 360 cm à Davos et de 395 cm à Arosa en janvier 1968.
L’abondance des chutes de neige tombées dans les Alpes en décembre 2017 et en janvier 2018 ne résultent pas seulement d’un fréquence élevée des afflux d’air humides en provenance de l’Atlantique ou de la Méditerranée, mais également de la relative douceur de ces afflux d’air. Les chutes de neige les plus abondantes se produisent avec des températures proches de 0°C, car un air froid ne peut pas contenir beaucoup de vapeur d’eau et d’humidité. Ainsi, un air avec une température de 0°C peut contenir 5 fois plus de vapeur d’eau qu’un air à -20°C et potentiellement provoquer des précipitations et des chutes de neige jusqu’à 5 fois plus importantes. C’est ce qui s’est passé en janvier 2018 où toutes les précipitations sont tombées sous forme de neige au-dessus de 2000 mètres en abondance, alors qu’une partie plus ou moins importante d’entre elles est tombée sous forme de pluie plus bas entraînant une saturation des sols (avec la fonte de la neige précédemment tombée), de nombreux glissements de terrain ou coulées de boue, ainsi que des crues de plusieurs cours d’eau comme le Doubs dans le Jura (St Ursanne).
Avec toutes ces chutes de neige, l’épaisseur du manteau neigeux à fin janvier 2018 est 2 à 3 fois plus élevée que la normale pour cette période de l’année en Valais et une bonne partie des Grisons et 1.3 à 2 fois plus élevée que la normale ailleurs dans les Alpes. Le manteau neigeux atteint ainsi une épaisseur de 3 à 4 mètres au-dessus de 1800-2000 m/mer dans plusieurs régions du Nord des Alpes (Bas-Valais, Alpes vaudoises, Préalpes du Nord-Est de la Suisse). Des conditions magnifiques pour le ski, d’autant que de nouvelles chutes de neige vont tomber ces prochains jours en Suisse jusqu’à basse altitude.
Le manteau neigeux atteignait une épaisseur de 4.90m hier au sommet du Saentis à 2500 m/mer dans les Préalpes orientales. On est encore assez loin du record de 8,16m mesuré sur ce sommet en avril 1999 après les chutes de neige exceptionnelles de février 1999 et aussi en avril 1999. Ainsi, les records de chutes de neige fraîche en 24 et 48 heures pour la Suisse ont été mesurés au col de la Bernina à 2300 m/mer les 15 et 16 avril 1999 avec 130 cm en 24 heures le 15 avril et 215 cm en 48 heures les 15 et 16 avril 1999 consécutivement à un afflux d’air humide et assez doux du Sud-Ouest avant le passage d’un front froid actif.
Le mois de janvier 2018 s’est aussi signalé par le passage de plusieurs tempêtes, en particulier Burglind ou Eleanor (suivant la dénomination attribuée par les services météorologiques nationaux). Même si elles n’ont globalement pas atteint la violence des ouragans Lothar et Viviane, elles ont tout de même établi de nouveaux records de vitesses des vents en quelques endroits comme au Pilate (195 km/h), à Waedenswil au bord du lac de Zurich (150 km/h) ou à Zermatt (145 km/h). Mais les rafales n’ont pas dépassé 200 km/h sur les reliefs jurassiens et alpins en Suisse lors de ces tempêtes en janvier 2018 contrairement aux ouragans Lothar et Viviane avec un record absolu de 268 km/h au col du Grand St Bernard.