Heinrich Kuhn, °1903 – †1995
Né à Bienne, Heinrich Kuhn entreprend des études en histoire, histoire de l’art et grec ancien à Bâle et à Vienne. En 1930, son titre de docteur en poche, le jeune homme entre au National-Zeitung, un des principaux titres bâlois, d’obédience radicale1. D’abord collaborateur des pages culturelles, il touche entre autres à la critique cinématographique, avant de trouver sa vocation dans le domaine politique et international. Nommé responsable des pages étrangères en 1946 puis rédacteur en chef du quotidien en 1964, il s’affirme comme un éditorialiste de renom et comme une « figure de proue du journalisme suisse » (Stirnimann), notamment à travers sa tribune hebdomadaire « Politik am Wochenende ». Il se retire en 1974, après plus de quarante ans de carrière dans le même journal.
Politique
Dans les années trente, Heinrich Kuhn s’engage en politique sous la bannière du parti radical-démocratique, le FDP (Freisinnig-Demokratische Partei) et est élu député au Grand Conseil du Canton de Bâle-Ville, où il siège de 1938 à 1956. Ses positions, d’abord très polarisées dans un contexte marqué par la fin d’une longue domination de gauche (« Bâle la rouge ») et le début de la guerre froide, évoluent. Ainsi que le rappelle Stirnimann, Kuhn est un des premiers journalistes suisses à avoir critiqué « l’hystérie anti-communiste des années 1950 » et la politique américaine au Vietnam. Selon Peter Ziegler, « loin de devenir plus conservateur avec l’âge, ce descendant d’une grande famille de commerçants bourgeoise et libérale » tend vers un libéralisme de gauche, avec « une constante forte : humanisme et ouverture […]2 ».
Cinéma
Entre 1943 et 1948, Heinrich Kuhn préside les importantes Semaines du film organisées à Bâle. Le Schweizerisches Filmarchiv est inauguré en octobre 1943 dans le cadre de la 1ère édition, intitulée « 1. Schweizerische Filmwoche. 10 Tage des Films in Basel ». Deux ans plus tard, la Semaine, entretemps devenue « internationale », est associée au célèbre Congrès organisé par Peter Bächlin et le groupe du Bon Film. Kuhn anime à cette occasion une journée sur le thème de la critique de film, durant laquelle une commission de réflexion est désignée pour la création d’une association faîtière suisse ; Kuhn en fait partie aux côtés, notamment, de René Dasen.
En juin 1946, le journaliste alors âgé de 45 ans reprend la Présidence du Schweizerisches Filmarchiv. Nommé par le Département de l’Instruction publique du Canton de Bâle-Ville, il succède à Hermann Kienzle, démissionnaire en avril pour cause de maladie, qui décède durant l’été. Mais ses rapports avec le fondateur et secrétaire Peter Bächlin sont difficiles, et celui-ci quitte son poste à la fin de l’année. Malgré sa double fonction de Président des Archives et de la Filmwoche, dont deux nouvelles éditions ont lieu en 1947 et 1948, Kuhn semble davantage investi dans sa carrière de presse. Sans doute pris par ses fonctions au National-Zeitung, il ne paraît guère s’impliquer dans la résolution des tensions qui agitent le microcosme bâlois du cinéma et des difficultés qui aboutissent au transfert des Archives de Bâle à Lausanne, décidé fin 1948.
Une personnalité bâloise
Ami de nombreux artistes et intellectuels, Kuhn sera aussi délégué au sein de la Basler Kunstverein – association gérant la Kunsthalle –, et membre du Comité d’administration du Théâtre municipal de Bâle (Stadttheater). Mais le journaliste, originaire de Berne, sera également une cheville ouvrière de l’organisation du carnaval, ce qui achèvera d’en faire une véritable personnalité dans sa ville d’adoption.
Alessia Bottani
Notes
1. Date mentionnée dans plusieurs articles célébrant les 60 ans de Heinrich Kuhn. D’autres sources indiquent 1934.?
2. « Der ehemalige FDP-Grossrat, Spross einer durch und durch bürgerlichen und freisinnigen Kaufmannsfamilie, wurde nähmlich mit zunehmendem Alter keineswegs konservativer, sondern – radikaler. Durch diesen Wandel vom strammen (Berner) Freisinnigen zum linken Liberalen zieht sich freilich eine markante Konstante : Heinrich Kuhns Humanismus und Liberalität […] » Peter Ziegler, « Heinrich Kuhn zum 80. Geburtstag », Basler Zeitung, n° 263, 09.11.1983.?
Sources
[CS : Cinémathèque suisse ; StABS : Staatsarchiv Basel Stadt]
-Dossier Biogr. Heinrich Kuhn, Schweizerisches Wirtschaftsarchiv, Basel.
–Über den Tag hinaus…Band 8. Basler Journalisten : Heinrich Kuhn, préface de Peter Ziegler, Basel : GS-Verlag, 1987.
-Charles Stirnimann, Der Weg in die Nachkriegszeit 1943-1948. Ein Beitrag zur politichen Sozialgeschichte des « Roten Basel », Basel/Kassel : F. Reinhardt, 1992, note 129 p. 382.
-« Schweizer Filmkritiker unter sich », signé « sten », National-Zeitung, 03.09.1945, CS, CH DP 700, Chemise 1940-43.
-Lettre de Heinrich Kuhn à Peter Bächlin, 26.06.1946, StABS, ED-REG 1 359-9 1, Chemise 3 Personelles [au sujet de sa nomination à la Présidence des Archives le 11.06.1946].
-Note de Carl Miville à Philip Etter, 31.01.1948, ibid. [Note recommandant Kuhn pour le siège laissé vacant par Georg Schmidt à la Chambre suisse du cinéma, indiquant que le premier a longtemps eu en charge la rubrique Film du National-Zeitung].
Illustration
Staatsarchiv Basel-Stadt, BSL 1013 2-983 1 (Foto Hans Bertolf), <http://query.staatsarchiv.bs.ch/query/detail.aspx?ID=537495>.
Référence
Alessia Bottani, « Portrait d’Heinrich Kuhn », in Frédéric Maire et Maria Tortajada (dir.), site Web La Collaboration UNIL + Cinémathèque suisse, www.unil-cinematheque.ch, février 2016.
Droits d’auteur
© Alessia Bottani/Collaboration UNIL + Cinémathèque suisse.