Portrait de René Favre

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René Favre, °1921 – †2003

Fils d’un employé de la compagnie suisse des chemins de fers (CFF), René Favre fait ses études à la Verkehrsschule de Saint-Gall et est engagé par l’administration des Postes le 1er mai 1940. Il poursuit alors sa formation à Aigle, puis à la Poste des Mousquines à Lausanne (1940-1942), suivie par un séjour d’un an à Bad Ragaz. Assoiffé de culture, il est, à sa demande, muté à Zurich en décembre 1943, où il fait la connaissance de Claude Emery. C’est le début d’une grande amitié, nourrie par la passion du cinéma et par un engagement politique commun. De retour à Lausanne en février 1945, Favre, qui a adhéré au Parti ouvrier et populaire, reprend du service en tant que commis postal au bureau de Lausanne-Gare. Frustré par le caractère routinier de son travail, il se porte candidat au poste de secrétaire-rédacteur à la Direction des Écoles – alors sous la houlette du municipal popiste Fernand Crot – où il est engagé en avril 1948, en charge notamment des bourses d’étude, développant ainsi une ligne sociale qui connaît un rapide essor dans les années suivantes.

Ciné-club de Lausanne

S’ils ne figurent pas parmi les fondateurs du club (juin 1946), Favre et Emery en deviennent membres en octobre de la même année et rejoignent rapidement son Comité. Début 1948, les deux amis ont pris en main le destin du CCL, dont ils assument respectivement la présidence (Emery) et la vice-présidence (Favre). Lorsque Emery est démis de son poste en décembre 1950, suite aux péripéties entourant son cumul de mandats et sa gestion, Favre est promu président, d’abord ad interim, puis à tous les effets (mai 1951) – une fonction qu’il occupera jusqu’à la dissolution du club en 1966. « Âme » du CCL « du début à la fin » (Jeanneret), Favre en sera la cheville ouvrière pendant près de vingt ans.

Fédération suisse des Guildes du film et des ciné-clubs (FSGFCC)

Alors que Claude Emery prend la tête de la FSGFCC (février 1948), Favre en devient bientôt le trésorier (saison 1949-1950), avant de remettre sa démission suite à l’éviction d’Emery, fin 1950. Après une période de relations chaotiques entre la Cinémathèque suisse et la FSGFCC (future FSCC), qui n’est pas sans répercussions sur le Ciné-club de Lausanne, René Favre entre au Comité de la Fédération – il est crédité comme vice-président en 1954 –, dont il assure la trésorerie jusque fin 1972. Il est par ailleurs membre du comité et vice-président de l’Union romande des ciné-clubs, organisme dont l’histoire reste encore mal connue.

Cinémathèque suisse

Au cours de l’année 1948, Favre suit de très près les négociations entreprises par Claude Emery afin de transférer le Schweizerisches Filmarchiv de Bâle à Lausanne. S’il le revendique, son rôle dans l’opération est difficile à établir ; son engagement à la Direction des Ecoles au printemps a manifestement facilité les contacts ultérieurs avec la Municipalité. Dès sa fondation en novembre 1948, Favre participe activement à la mise en place de l’institution : quand Claude Emery abandonne la direction courant 1951, il gère la délicate période de transition et introduit le jeune Freddy Buache aux affaires courantes. Membre de la première heure de la Commission exécutive, où il siègera pendant 35 ans, il assume, en accord avec la Municipalité, la tâche de trésorier de la Cinémathèque. À partir de 1976, détaché par la Ville, il se consacre à plein temps à l’institution. En 1983, il se voit contraint de quitter la Cinémathèque après avoir été mis en cause dans la presse pour des irrégularités comptables. Il s’installe alors à Sergey, où il ouvre un restaurant bio avec son épouse Liliane.

Engagement politique

Militant du POP, René Favre aurait, selon Pierre Jeanneret, quitté les PTT « avant de risquer l’exclusion, au moment des mesures fédérales contre les fonctionnaires “indignes de confiance” ». En 1952, le groupe libéral interpelle le Conseil communal sur l’affiliation politique des responsables de la Cinémathèque, Freddy Buache et René Favre. Une note interne de la Municipalité indique : « Ce dernier, alors qu’il était jeune fonctionnaire postal à Zurich, fut attiré par la propagande moscovite ensuite, principalement, des conditions de travail déplorables qui furent celles, pendant un certain nombre d’années, du personnel de l’administration des PTT, notamment les jeunes. Transféré à Lausanne, M. Favre fut naturellement reporté sur les listes du parti ouvrier et populaire de cette ville, mais n’eut qu’une activité extrêmement restreinte et qui allait en diminuant. Il était considéré finalement comme un membre extrêmement tiède ». Selon la même note, Favre aurait quitté le Parti en janvier 1952, sans que l’on sache si cela fut par mesure de précaution ou en raison d’un éloignement progressif, tel que le lui avait déjà reproché, un an plus tôt, son camarade Michel Denoréaz, membre, comme lui, du POP, du CCL et de la revue Carreau.

Alessia Bottani

Sources

-Entretien avec Mme Liliane Favre, réalisé par Alessia Bottani et Pierre-Emmanuel Jaques, Sergey, 18.02.2014.

-CS, Fonds René Favre – CSL 19, en particulier :
boîte 10/12, chemises « Ciné-clubs FSCC 1948-1966 » et « Ciné-clubs Fédération romande des ciné-clubs » ; boîte 11/12, chemise « Lausanne – Ciné-club de Lausanne – Registre des membres et cotisations » ; boîte 12/12, chemise 1947-1949.

-Pierre-V. Deluz, notes manuscrites, s.d. [début 1947], CS, Fonds René Favre – CSL 19, Boîte 12/12, Chemise 1947-1949.

-René Favre, Curriculum Vitae, 2 p. manuscrites, s.d. [fin 1947], CS, Fonds René Favre – CSL 19, Boîte 10/12 Ciné-clubs, Chemise Ciné-clubs FSCC 1948-1966.

-Lettre de Michel Denoréaz à René Favre, 14.01.1951, CS, Fonds René Favre, boîte 10/12, chemise « Ciné-clubs FSCC 1948-1966 ».

-Ciné-club de Lausanne, « Procès-verbal de l’assemblée générale ordinaire du mardi 22 mai 1951, à 20h30 au Club Alpin », 2 p. dactyl., CS, Fonds René Favre, boîte 11/12, chemise « Ciné-clubs Lausanne Ciné-club de Lausanne » [élection de Favre à la Présidence du CCL].

-« Copie d’un article paru dans le numéro de janvier 1952 du “Bulletin du Centre national d’information” – L’éternel scénario : Miracle à Lausanne », article de Chantre, retranscription annotée par Jean Peitrequin, AVL, Fonds B3, 251.11.2.3 administration.

-« Griefs contre MM. Favre et Buache », Note interne de la Municipalité, sans date [1952] ni signature, AVL Fonds B3, 251.11.2.3 administration.

-René Favre, « Fédération suisse des ciné-clubs », Bulletin de la Cinémathèque suisse, n° 1, septembre 1954, p. 6. [Favre signe en tant que « vice-président de la FSCC ».

-« Rapport de M. Henry Hentsch, chef de service, sur la situation de Monsieur René Favre », 16.07.1965, AVL, Fonds C15, Boîte C11, fourre C11/-, n.4.

-« Situation de Monsieur René Favre à la Direction des Écoles et à la Cinémathèque suisse », 16.07.1965, rapport de René Favre, AVL, Fonds C15, Boîte C11, fourre C11/-, n.4.

-Lettre de René Favre à Jean-Claude Borel, Président de la FSCC, 20.10.1972, CS, CSL 1 boîte Q 4.1 FSCC, chemise 1970-1973.

-CS, Dossier documentaire CH DP 100.1 / FSCC.

-Pierre Jeanneret, Popistes : histoire du parti ouvrier et populaire vaudois, 1943-2001, Lausanne, Éditions d’en bas, 2002, p. 578.

Illustration

René Favre à un dîner du Symposium sur « Le cinéma indépendant et d’avant-garde à la fin du muet », Lausanne, mai 1979.
© Tous droits réservés/collection Cinémathèque suisse.

Référence

Alessia Bottani, « Portrait de René Favre », in Frédéric Maire et Maria Tortajada (dir.), site Web La Collaboration UNIL + Cinémathèque suisse, www.unil-cinematheque.ch, mars 2015.

Droits d’auteur

© Alessia Bottani/Collaboration UNIL + Cinémathèque suisse.