Présentation des recherches sur le scénario, 14 mars 2014
Université de Lausanne, bâtiment Anthropole, salle 3120, 9h00-16h30
Invités : chercheurs de l’Université Rennes 2
9h00-10h00
Introduction au projet et à la journée d’étude (Alain Boillat)
Présentation des sujets de thèse des doctorants de l’UNIL
Laure Cordonier, « Genèses scénaristiques du Rouge et le Noir et de La Chartreuse de Parme par Jean Aurenche et Pierre Bost dans le contexte de la réflexion sur l’adaptation cinématographique des années d’après-guerre (1945-1960) », thèse sous la direction du prof. Alain Boillat.
La doctorante a présenté les enjeux de son étude qui vise à (re)placer le travail d’Aurenche et Bost au cœur de la théorie de l’adaptation dans les années 1950. En sollicitant la narratologie (post)classique, le but sera, entre autres, d’analyser et de commenter leurs scénarios. Par cette étude minutieuse des différents objets scénaristiques, il s’agira de mesurer l’apport du duo de scénaristes à la théorie de l’adaptation. Pour ce faire, il conviendra de se fonder sur le travail qu’ils ont accompli pour Autant-Lara sur les oeuvres de Stendhal Le Rouge et le Noir et La Chartreuse de Parme. La richesse du fonds Autant-Lara, qui contient plusieurs versions de scénarios pour un même projet de film, permettra sans doute une approche riche et inédite de la question. Afin d’élargir les propos, il sera judicieux d’intégrer à cette analyse des scénarios écrits par Aurenche et Bost pour d’autres réalisateurs.
Adrien Gaillard, « Le scénario de film, entre écrire et projeter : étude linguistique des adaptations de la “Qualité française” », thèse sous la direction du prof. Gilles Philippe.
Après avoir évoqué des dynamiques génétiques propres au scénario – l’écriture collaborative et l’hétérogénéité du matériau scénaristique –, le doctorant a présenté les enjeux d’une étude linguistique des scénarios d’adaptation à travers l’exemple des collaborations d’Aurenche et Bost entre 1940 et 1955. L’archive scénaristique enrichit une réflexion sur l’hybridité des médias puisqu’elle permet d’analyser un processus scriptural tendu entre le souci d’écrire et celui de projeter, entre le verbal et le visuel. Pour la thèse, ces tendances texto- et scéno-centristes seront examinées dans l’écrit scénaristique à travers l’énonciation des points de vue, la typologie des séquences textuelles, l’adaptation paraphrastique des dialogues et monologues, ainsi qu’à travers la question de l’imaginaire et des patrons stylistiques liés aux scénaristes et aux auteurs qu’ils adaptent.
Julien Meyer, « Une histoire du statut professionnel, social et culturel des scénaristes, adaptateurs et dialoguistes au cours des années 1940-1950 », thèse sous la direction du prof. Alain Boillat.
Le doctorant a présenté des documents épitextuels du scénario du Rouge et le Noir déposés dans le fonds Claude Autant-Lara. À travers ces exemples, il a présenté les enjeux de son projet de thèse portant sur l’histoire du statut professionnel, social et culturel des scénaristes, adaptateurs et dialoguistes au cours des années 1940-1950. Grâce à une approche génétique du travail collaboratif d’Aurenche, Bost et Autant-Lara, il s’agira de nuancer la manière dont l’historiographie a pensé les pratiques scénaristiques. Si elle n’est pas un but en soi, cette analyse du processus de création à travers les variantes de scénario permettra de dégager l’implication des divers acteurs (scénaristes, réalisateur, producteur, etc.) qui interagissent au sein de l’écriture du film. Précisément, cette mise en contexte des discours sur le scénario et des pratiques portera sur la période 1942-1958 (1942 constitue le début de la collaboration du trio Aurenche, Bost et Autant-Lara). Ces presque deux décennies constituent une période charnière à la fin de laquelle on assiste à l’avènement d’un nouveau cinéma prétendument moderne qui succède à l’hégémonie d’un cinéma traditionnel dit de la « qualité ».
11h20-11h45
Discussion sur les enjeux méthodologiques
11h45-12h30
Laurent Le Forestier, « Cinéma et littérature (1946-1958) ».
À partir d’un grand nombre de sources rassemblées au cours de ses recherches sur le théoricien André Bazin, le prof. Laurent Le Forestier a proposé une typologie des relations entre littérature et cinéma telles qu’elles furent envisagées dans le champ français de l’immédiat après-guerre à la fin des années 1950. La dimension méthodologique et la discussion ont principalement porté sur certains principes d’analyse de la réception critique de films. La question de l’adaptation a également été appréhendée à partir de la dite « crise » du roman et de l’impact du cinéma sur celle-ci, de la critique littéraire comme modèle pour la critique cinématographique, et de la lecture du cinéma émanant du champ littéraire.
12h30-13h00
Discussion
14h15-15h00
Guillaume Vernet, « Le cinéma français et ses méthodes : éléments pour historiciser la “méthode Aurenche-et-Bost” ».
Doctorant à l’Université Rennes 2 sous la direction du prof. Laurent Le Forestier, Guillaume Vernet, dont la thèse est en cours d’achèvement (« Aux origines de la “Tradition de la qualité” et de la “Qualité française”. La “Bataille” de la qualité cinématographique en France après la Seconde Guerre mondiale (1944-1953) »), a proposé de penser en tant que « pratiques filmiques » les adaptations de Jean Aurenche et Pierre Bost dans le contexte de l’après-Seconde Guerre mondiale en France. En embrassant une grande variété de discours et de pratiques, sa communication a voulu contribuer à historiciser l’écriture d’Aurenche et Bost en la considérant en tant que méthode (à un moment où la notion même trouve un fort écho dans les discours sur le cinéma) et plus généralement parmi diverses « méthodes » du cinéma français (c’est-à-dire en la socialisant). Il a montré en particulier comment la pratique scénaristique d’Aurenche et Bost peut être envisagée, à l’égal des autres pratiques valorisées à l’époque, comme participant d’un double mouvement de standardisation (industrielle) et de différenciation (artistique) vis-à-vis du cinéma hollywoodien, mouvement dont il a esquissé l’étude des implications socio-économiques, techniques et esthétiques.
15h00-15h15
Discussion
15h15-16h00
Anne Brouillet, « Scénario et improvisation ».
Les jeunes critiques des Cahiers du cinéma ont, au cours des années 1950, beaucoup proclamé leur volonté de renouveler la façon d’écrire et de faire des films pour enfin laisser place au corps de l’acteur et à l’improvisation, pour reprendre le pouvoir sur le processus de création et échapper à la lourdeur du dispositif cinématographique (qu’il soit technique, économique ou logistique). Ainsi est née la mythographie de la Nouvelle Vague. Devenus cinéastes, qu’ont ils réellement fait à leurs textes ? La thèse d’Anne Brouillet, « Scénarios de la Nouvelle Vague. Techniques d’écriture, méthodes de tournage, pratiques de montage : retour au sources », sous la direction du prof. Gilles Mouëllic, se propose d’explorer les tentatives les plus radicales des cinéastes de la Nouvelle Vague pour échapper aux dispositifs de production cinématographique qu’ils dénoncent, en particulier celles de Jacques Rozier, Jean-Luc Godard, Éric Rohmer et Jacques Rivette. À partir de l’étude d’archives et d’entretiens, il s’agit pour elle d’interroger l’ensemble du processus de création cinématographique de films choisis de ces cinéastes pour le confronter à ce qui est, tout d’abord, écrit, puis au résultat, à ce qu’est devenu le film, à son esthétique.
La communication lausannoise de la doctorante s’est plus précisément intéressée au premier film de Jacques Rozier, Adieu Philippine, afin de le penser comme un dispositif original de production qui n’accorde pas au scénario le statut de programme. Jacques Rozier a en effet toujours affiché son refus de prendre de l’avance sur le film ; ses scénarios tendent donc logiquement vers le vide, vers la place laissée à ce qui viendra plus tard, éventuellement au gré de l’improvisation. Et même si le scénario d’Adieu Philippine est bien plus que du vide (riche de 147 pages dans sa version de tournage, il a nécessité une année d’écriture pour Jacques Rozier et sa co-scénariste, Michèle O’Glor), les scènes et les dialogues en sont, comme l’a montré Anne Brouillet à partir de plusieurs exemples, inégalement détaillés, certains morceaux d’improvisation étant même prévus comme tels par le texte. Elle a ensuite examiné les différentes stratégies déployées par le scénario pour anticiper et circonscrire l’espace de liberté laissé au tournage, notamment en montrant que l’écriture des personnages et de leurs répliques se fonde sur une observation rigoureuse de personnages réels, et que le casting recourt à des comédiens amateurs appartenant au même monde que ces personnages.
16h00-16h30
Discussion
Mot de clôture (Alain Boillat)