Le passage à la production de longs métrages : années 1980-2023
Durant cette période, on observe un soutien grandissant accordé aux films d’animation par l’Office Fédéral de la Culture (OFC), le Pacte de l’Audiovisuel (SSR-SRG) et les aides régionales, en même temps que se développent les coproductions internationales. Ce premier constat impose de s’intéresser à la mise en place et à l’évolution des outils publics de financement du cinéma en Suisse ainsi qu’aux actions du Groupement suisse du film d’animation (GSFA) engagé dans la légitimation de la « branche », par un travail de défense d’intérêt auprès des collectivités publiques. Cette étude commencera par dresser le panorama helvétique de la production des longs métrages à partir de ces 12 cas avant de développer de manière approfondie les spécificités des parcours et des réseaux romands.
Le facteur économique n’est cependant pas le seul à expliquer le dynamisme actuel dans le secteur de l’animation. Produire un long métrage d’animation destiné à être exploité commercialement en salle fait appel à des compétences spécifiques mais aussi à des réseaux de collaborateurs locaux et internationaux jusqu’alors peu développés en Suisse car ne répondant pas aux besoins d’une production tournée vers le court métrage ou la publicité. L’approche du cinéma d’animation par le processus de production nous incite à nous intéresser à la fois aux formations proposées en Suisse, aux parcours des acteurs du champ et à la mise en place de studios de production spécialisés. Dès 1979, année qui marque le début du tournage de Supersaxo d’Etienne Delessert, la production s’internationalise et des fonds sont levés à l’étranger. Des animateurs sont en outre recrutés en France, en Allemagne, en Italie et en République tchèque pour venir travailler en Suisse. À ce titre, le tournage de Max & Co (2008) des frères Guillaume est emblématique. Les compétences apportées et partagées notamment par Guionne Leroy – engagée sur des productions d’envergure comme Toy Story (1995) ou Chicken Run (2000) et qui a endossé le rôle de superviseur de l’animation pour Max & Co –, ont certainement joué un rôle dans le développement de compétences liées à l’animation en volume chez une nouvelle génération d’animateurs et de techniciens. Malgré son échec commercial, le film des frères Guillaume peut être envisagé comme un point de basculement vers des modes de production nouveaux et d’envergure internationale. On se demandera ainsi dans quelle mesure les longs métrages d’animation sortis après Max & Co en Suisse romande ont bénéficié de l’expérience de jeunes animateurs, à l’image d’Elie Chapuis, qui jouent aujourd’hui un rôle central dans le développement de l’animation en Suisse.
Si la professionnalisation des équipes techniques semble être essentielle au développement des longs métrages, celles de producteurs spécialisés l’est également : l’étude des parcours des films permettra de comprendre, par l’exemple, les enjeux de la création de studios, ce qui mettra en lumière l’organisation complexe du secteur en Suisse romande. De nos jours, trois studios spécialisés dans l’animation sont particulièrement dynamiques. S’ils ont d’abord participé à titre minoritaire à la production de longs métrages de grande ampleur, ils en sont aujourd’hui des producteurs majoritaires. Fondé en 2001 par Nicolas Burlet et Zoltan Horváth, le studio genevois Nadasdy Films entretient des liens étroits avec Hélium Films, le studio lausannois fondé par Claude Barras et Cédric Louis en 2005. Ces deux studios produisent des courts et des longs métrages d’animation et s’appuient sur un réseau de collaborateurs professionnels suisses et étrangers. De nombreux échanges sont en outre mis en place avec Ciné3d, fondé en 2011 à Fribourg par les frères Guillaume.
Cette recherche propose de rendre compte de l’organisation du secteur de l’animation en Suisse depuis le milieu des années 1980 à aujourd’hui à partir de « l’histoire » des films. Il s’agira de mettre en lumière les conditions de création et de financement de longs métrages.
Chercheur FNS post-doc: Chloé Hofmann