Evénements / Histoire CS Natacha et Adèle

« On ne naît pas institution, on le devient. Faire l’histoire des institutions culturelles en Suisse »

Colloque national organisé à l’Université de Lausanne et à la Cinémathèque Suisse

9 et 10 mai 2022

Comité scientifique : Natacha Isoz, Pierre-Emmanuel Jaques, Laurent Le Forestier et Adèle Morerod (section d’histoire et esthétique du cinéma de l’Université de Lausanne) (Appel à contribution)

Parce que s’intéressant à l’institutionnalisation de la Cinémathèque suisse, le projet FNS « Contribution à une histoire de la culture cinématographique en Suisse : étude des activités de la Cinémathèque suisse entre 1951 et 1981 » accorde une place importante à la notion d’« institution culturelle ». Ce colloque, organisé par l’ensemble de l’équipe de ce projet FNS, vise à interroger le processus d’institutionnalisation des organisations culturelles helvétiques, à la mise en évidence de mécanismes et de structures propres à la Suisse et à l’identification de relations récurrentes entre les institutions culturelles de ce pays, mais aussi avec d’autres acteurs, notamment politiques. Réunissant des chercheuses et chercheurs travaillant sur des institutions culturelles très différentes (festivals de cinéma, de musique, musées, télévisions, écoles d’art, etc.) et sur les politiques culturelles, ce colloque contribuera aussi à faire une sorte de cartographie, certes parcellaire, de la culture en Suisse dans la seconde moitié du XXe siècle.

 

Programme complet

 

Faire émerger l’événement de l’archive : les activités de diffusion de la Cinémathèque suisse dans la seconde moitié du XXsiècle 

Séminaire permanent de AFRHC – Association Française de Recherche sur l’Histoire du Cinéma

La séance, préparée et animée par Stéphanie Louis, aura lieu vendredi 3 juin à 18h à l’Institut national d’histoire de l’art (INHA) (2 rue Vivienne ou 6 rue des Petits Champs, Paris 2e. Salle Walter Benjamin, rdc) et sera également accessible à distance. Le lien vers la visioconférence sera envoyé sur demande (formulée avant le 2 juin à l’adresse électronique suivante : seminaire.afrhc.inscription@gmail.com).

Interventions de Natacha Isoz et Adèle Morerod

Entre 1950 et 1981, la Cinémathèque suisse, nouvellement installée à Lausanne, fait face à un défi de taille : mettre en avant ses collections alors même qu’elle ne possède ni salle de projection fixe, ni lieu d’exposition. Elle doit dès lors parvenir à se rendre visible et nécessaire auprès des réseaux cinématographiques déjà existants, nationaux comme internationaux. Montrer des films dans les ciné-clubs, écoles et festivals, monter des expositions en collaboration avec d’autres organismes, organiser des événements avec des invités prestigieux et des projections de films rares : la diffusion devient un axe central dans cette constitution de relations et dans le processus de patrimonialisation du cinéma – et par là de légitimation de l’institution. Cette séance sera l’occasion d’aborder des documents inédits provenant des archives institutionnelles de la cinémathèque, qui invitent à considérer la diffusion comme une notion heuristique, et ainsi à transformer notre regard sur la circulation du cinéma et l’écriture de son histoire.

Journée d’étude du 20 mai 2021 : « Faire l’histoire problématisée d’une archive à partir de ses fonds »

Journée élaborée dans le cadre du projet de recherche : « Contribution à une histoire de la culture cinématographique en Suisse : étude des activités de la Cinémathèque suisse entre 1951 et 1981 ».

Organisée par Natacha Isoz, Adèle Morerod et Laurent Le Forestier, avec comme invité·e·s Alain Carou, Christophe Dupin et Stéphanie-Emmanuelle Louis.

Présentation

Notre projet de recherche porte sur l’histoire de la Cinémathèque suisse des années 1950, lors de son installation à Lausanne, aux années 1980. Durant cette période, l’archive endosse progressivement plusieurs rôles, de la diffusion du cinéma à la sauvegarde de films et de matériel non-film, en passant par leur conservation. Privée de salle de projection propre, elle doit se tourner vers le réseau déjà bien établi des ciné-clubs, ciné-clubs scolaires, cinémas et autres groupements culturels pour diffuser les œuvres de ses collections. Elle contribue ainsi à développer et défendre un certain goût du cinéma. Cet effort, qui place la diffusion au cœur de ses activités, implique également pour la CS de se faire reconnaître par les associations professionnelles des distributeurs et propriétaires de salles, œuvrant sur le même terrain. A l’inverse, il lui permet des contacts fructueux pour l’éducation au cinéma, même en dehors de ses frontières comme en témoigne sa longue collaboration avec Dominique Johansen, responsable de l’Académie du cinéma à Paris et compagne de Georges Franju. De plus, la Cinémathèque suisse mène d’emblée une existence internationale, notamment par son affiliation à la FIAF et les rapports privilégiés que son directeur, Freddy Buache, entretient avec des personnalités du « monde du patrimoine cinématographique » telles que Henri Langlois et Raymond Borde. Elle participe à la circulation mondiale du cinéma et co-organise divers événements de diffusion à dimension internationale, en Suisse et à l’étranger : programmations pour les festivals de Locarno, Cannes ou Annecy ; expositions en partenariat avec des organismes culturels et politiques, présentations de cinématographies nationales lors de Semaine du cinéma, CICI… Très tôt, elle met l’accent sur le cinéma suisse, prenant part à la création de l’idée même de « cinéma suisse » et à sa promotion tout en lui assignant une place au sein de l’histoire mondiale du cinéma. Véritable pôle de diffusion culturelle, la CS finit par s’installer en 1981 dans ses locaux actuels de Montbenon, devenant Fondation privée et trouvant enfin un espace propre, qui reconfigure son rôle institutionnel.

La littérature secondaire sur l’histoire de la Cinémathèque suisse est extrêmement mince, ce qui nous a conduit à explorer, dès le début de notre thèse (initiée en septembre 2019), les fonds d’archives papiers de l’institution, selon les deux axes posés pour chacune de nos recherches (diffusion nationale/internationale). Extrêmement riches en termes de boîtes et de contenu, ces fonds sont constitués de tout type de documents (correspondance, PV, statuts, programmes, comptes, etc.), parfois non encore classés. Aujourd’hui, après avoir bien avancé dans ce dépouillement, nous débutons l’exploration du fonds iconographique dit « institutionnel », qui regroupe des photographies et quelques affiches. Pour l’instant, les collections « films » ne font pas partie de nos recherches. Par la suite, nous étendrons notre recherche à des fonds externes à la CS.

Résumé des discussions

Quels rapports établir entre les sources et l’écriture de l’histoire ? 

Comme évoqué, nos recherches sur l’histoire de la CS se basant avant tout sur les documents conservés dans ses fonds, l’idée de base, évidente en apparence, est d’écrire à partir de ce qui existe. Toutefois, la question de l’accessibilité des sources ne se résout pas si facilement. Au fil des discussions, plusieurs problèmes ont été soulevés, que ce soit la masse de matière toujours considérable à laquelle l’historien à affaire (comment sélectionner puis organiser cette masse) ou à l’inverse, l’importance de ne pas négliger pour autant le silence éventuel des archives, là où se dessinent des vides, des absences systématiques de documents. Pour cela, l’utilité de tenir compte de la façon dont les fonds ont été constitués a été évoquée (ayant droit, dépositaire, restructuration du classement), surtout dans le cadre d’une recherche qui part des archives institutionnelles de son objet, qui ont-elles-mêmes une histoire. Enfin, la question de l’utilisation de films documentaires sur la CS ou de photographies s’est posée, notamment dans le but d’attester de la présence d’acteurs lors d’événements significatifs et de leurs rapports.

Y a-t-il une spécificité de l’histoire institutionnelle ?  

Le rapport à une institution – en termes de recherche ou professionnel – était le trait commun de nos trois intervenants. Force est de constater que l’histoire institutionnelle commence seulement à se déployer dans le champ du cinéma. Dès lors, aucune méthode précise ne semble pouvoir être définie. Quelques éléments ont néanmoins été relevés : l’importance des faits et de la chronologie pour poser une base à toute problématisation, considérer les personnes appartenant à l’institution et les acteurs avec lesquelles elle est en lien comme un réseau dont il s’agit de déterminer les relations qui le constituent. La question de l’écart perceptible entre la reconstitution de l’histoire d’une institution et la pratique quotidienne au sein de cette dernière a été posée, avec comme réponse possible le passage par l’histoire orale afin d’éclairer les usages des protagonistes à partir de leurs dires.