Déléguée à l’égalité, un travail de pionnière

Par Guite Theurillat, première déléguée à l’égalité de l’UNIL (2001-2009)

1er février 2001 : je débute mon travail au Bureau de l’égalité de l’UNIL, qui vient d’être créé par la direction de l’UNIL. Mon bureau est situé au sous-sol d’Amphipôle. Une grande baie vitrée donne sur un mur en béton. Un puits de lumière d’environ deux mètres carrés apporte un peu de jour. Heureusement, les néons fonctionnent bien. Le bureau est complètement isolé du reste du bâtiment et de celui du Rectorat. La porte suivante est celle de la cave !

On me remet trois classeurs fédéraux qui contiennent tout ce que le Rectorat a sur l’égalité à l’UNIL : les PV de la Commission pour les questions féminines, mise sur pied en 1992. Un mois après, je remets un projet de Programme d’activité pour cette première année à mon supérieur, le vice-recteur Jörg Winistörfer. Il me dit : « Heureusement, vous avez des idées, je me demandais ce que j’allais bien pouvoir vous faire faire ! ».

Ma mission : mettre en œuvre le Programme fédéral Égalité, le faire connaître et reconnaître à l’UNIL. Je fais le tour des facultés pour le présenter. En parlant avec les doyens, je constate qu’ils sont tous en faveur de l’égalité… pour autant que cela n’empiète pas sur la sacro-sainte autonomie de leur faculté. Ils sont absolument opposés à ce que j’aie accès aux procédures de nomination des professeur·e·s, sous prétexte que je n’en suis pas une !

Je ne me laisse pas faire et leur rappelle que c’est dans mon mandat. Finalement, le Rectorat met à ma disposition les dossiers de candidature, au Rectorat. Après examen, j’interviens quelques fois dans les procédures en écrivant au président de la commission de nomination, avec copie au Rectorat.

Personne ne me répond. Silence radio. Alors j’adresse mes remarques au Conseil d’État vaudois – car à l’époque, l’Université n’était pas encore un établissement autonome -. Les conseillères d’État – d’abord Francine Jeanprêtre, puis Anne-Catherine Lyon – obligent le Rectorat à me répondre. Ce que mon supérieur n’apprécie guère. Il demande ensuite au président ou à la présidente de la commission de justifier ses choix. Ce qui fait écrire à un doyen de faculté : « Oui, je sais, Madame Theurillat veut des femmes, encore des femmes, rien que des femmes ! ».

Le Programme fédéral Égalité prévoit une prime d’en moyenne 20’000 francs pour chaque nomination d’une femme professeure. Cette prime fait couler beaucoup d’encre. Le journal 24 Heures titre ainsi : « Combien de chameaux pour une femme professeure ? ». Bien sûr, les commentaires viennent surtout d’hommes de la communauté universitaire. Ils estiment que c’est « une injure à la femme nommée ». En réalité, cette prime incitative est une prime « qualité » pour l’université. L’argent versé va à la femme nommée afin qu’elle puisse repourvoir un poste d’assistanat et mieux asseoir sa chaire professorale.

À mon départ de l’UNIL en février 2009, il y avait 17% de femmes professeures (10% à mon arrivée en 2001). Cette progression est due à la réalisation d’actions concrètes : la mise sur pied d’une Délégation « égalité » de professeur·e·s dans les procédures de nomination, un Plan d’action « égalité » comprenant cinq mesures – dont deux relevant des facultés -, l’édition de brochures et diverses actions de soutien à l’intention des femmes de la relève académique (programme de mentoring mis sur pied en collaboration avec d’autres universités, subventions « égalité » pour les femmes de la relève, etc.). Plusieurs événements ont été organisés à l’intention de la communauté universitaire, afin de sensibiliser ses membres à toutes ces questions, notamment les « lunchs égalité ».

Aujourd’hui, l’UNIL compte un peu plus de 27% de femmes professeures. Ce résultat me permet d’espérer une prochaine concrétisation de ce que je préconisais en 2008 : « Ce n’est que lorsque l’université comptera un minimum de 35% de femmes professeures que celles-ci pourront agir sur la structure institutionnelle… ». [1] Mes successeuses, Stefanie Brander et Carine Carvalho, pourront en témoigner, qui se sont attachées à poursuivre et développer tous ces projets et activités.

Ce grand travail de pionnière n’aurait jamais pu être réalisé sans le soutien de mes collaboratrices et de plusieurs membres de la communauté universitaire qui m’ont soutenue, encouragée et aidée dans mes tâches de Déléguée à l’égalité.

Merci à toutes ces personnes !

Guite Theurillat, première déléguée à l’égalité de l’Université de Lausanne (2011-2009)


[1] Brochure « Sept ans, l’âge de raison ? Expériences et réflexions autour du suivi des procédures de nomination », Bureau de l’égalité, 2008.