Ce constat de René Levy, professeur honoraire de l’UNIL et éminent chercheur en matière d’égalité des chances, résume bien les résultats du projet de recherche européen GARCIA. Des résultats qui ont été présentés les 24 et 25 novembre à l’Université de Lausanne.
Destiné à combattre les stéréotypes de genre et à promouvoir une culture d’égalité dans sept universités européennes, le projet GARCIA a été dirigé en Suisse par la professeure Nicky Le Feuvre. Les recherches se sont focalisées sur l’instabilité des débuts de carrière des jeunes chercheur·e·s en sciences sociales et en sciences de la vie à l’UNIL.
Des constats surprenants
Les 24 et 25 novembre dernier, la conférence « Débuts de carrières académiques en période d’incertitude : défis pour les politiques et les pratiques de promotion de l’égalité » a réuni des spécialistes, chercheuses et chercheurs intéressés par la promotion des carrières féminines dans le monde académique. Des approches de recherche novatrices mêlant enquêtes quantitatives, qualitatives et perspectives historiques ont été présentées et ont amené le public à des constats surprenants, qui ouvrent autant de pistes pour les politiques égalité des universités.
Le tuyau percé, bon à jeter ?
Par exemple, le fameux « tuyau percé » (leaky pipeline) s’avère peu pertinent pour rendre compte de la disparition des femmes dans les carrières académiques. Une enquête auprès des personnes qui ont renoncé à leur parcours académique indique que les femmes enchaînent souvent de longues années de contrats post-doc et restent beaucoup plus longtemps dans l’institution que leurs collègues masculins. Dans les deux disciplines sondées, elles sont bien représentées, voir surreprésentées parmi les post-docs, sans pour autant avoir les mêmes chances d’accès que leurs collègues masculins aux (trop) rares postes académiques stables.
Pas de pente « naturelle » vers l’égalité
Liée au phénomène inquiétant de l’instabilité croissante des carrières des jeunes chercheur·e·s en Suisse (le Swiss post-doc bubble), l’augmentation des femmes au niveau post-doc n’est donc pas un indicateur suffisant de progrès pour l’égalité des chances entre les sexes. De même, la présence de femmes au niveau professoral et dans les instances de décision ne garantit pas en soi un meilleur soutien aux jeunes chercheuses. C’est ce qu’a montré Klea Faniko dans sa conférence, sur la base de ses recherches sur le phénomène des « abeilles reines ».
Les universités, « mauvaises mères » ?
Autre constat intéressant: loin de la figure de la mère nourricière (alma mater), les universités sont de plus en plus perçues comme des institutions avides et ingrates (greedy and ungrateful), par les hommes comme par les femmes. Bon nombre de post-docs considèrent les risques et les facteurs d’incertitude, liés notamment à l’exigence accrue de mobilité, comme un prix trop élevé à payer. De plus en plus souvent, les hommes préfèrent quitter la carrière académique pour des raisons habituellement attribuées aux femmes : la préservation de leur vie de couple et de la carrière de leur partenaire.