Le post-modernisme

Le postmodernisme est un mouvement qui apparaît dans les années ’70 dans les arts et s’étend à d’autres disciplines dont les sciences sociales. Il remet en cause le positivisme, la recherche de lois universelles et de « la » vérité, au profit d’une approche prennant en compte la diversité de points de vue, le fait qu’il n’y a pas qu’une vérité, et la prise en compte de la parole des minorités.

Théorie

Le postmodernisme est un mouvement qui apparait à la fin des années ’70 en architecture et qui s’étend à d’autres champs tels que la littérature, la philosophie et les sciences sociales. Il s’agit essentiellement de marquer une rupture avec la modernité: comme son nom l’indique, ce courant se veut une critique du modernisme, dominant dans la culture occidentale jusque dans les années ’60 et qui se réfère « à la science positiviste et à l’idéologie du progrès » (Darnell et Staszak, 2006, p.875).

En architecture et en arts, l’objectif est de rompre avec les attentes conventionnelles qui représentent le paradigme moderniste. Le style architectural postmoderniste s’exprime à travers des assemblages de différents styles dans les façades des bâtiments, ou alors à travers la mise en avant d’infrastructures qui restaient auparavant cachées comme les ascenseurs, par exemple au Centre Pompidou de Paris ou au Lloyd’s Building de Londres (Simon, 2008, p.120).

En littérature, des auteurs tels que Samuel Beckett, William S. Burroughs, ou encore Gabriel Garcia Marquez, parmi beaucoup d’autres, écrivent dans un style qui rompt avec la tradition du récit linéaire moderniste. L’ironie, le pastiche, les flashbacks, la non-linéarité, et une structure de narration complexe sont parmi les caractéristiques du style postmoderne.

En sciences sociales, le postmodernisme implique une manière de penser et de voir le monde différente de la pensée « moderne » dont l’origine remonte aux Lumières. L’approche moderne est fondée sur la supériorité de la raison, l’économie néoclassique et la recherche de lois universelles selon la méthode positiviste. Celle-ci postule que la connaissance est neutre et universelle et que le chercheur, s’il agit avec raison (de manière scientifique), peut saisir « la » réalité, « la » vérité. Pour se référer aux théories qui prétendent détenir « la » vérité, on utilise souvent le terme de « meta-narrative » (ou « grands récits »).

Pour les postmodernes, l’observateur influence toujours sont sujet, il n’y a pas un savoir « vrai » et objectif, il n’y a que des interprétations de la réalité. De plus, en affirmant connaitre « la » vérité, le chercheur exerce un pouvoir car sa voix est exposée au détriment de celle des autres, c’est pourquoi la recherche d’une vérité universelle est remise en question au profit du relativisme, qui considère qu’il y a autant de vérités que de points de vue.

Sont également rejetées les oppositions binaires selon lesquelles, depuis les Lumières, on analyse la société (sujet-objet, moderne-traditionnel, homme-femme,…). Celles-ci sont considérées comme réductionnistes, car ne prenant pas en compte les nuances et contribuant à établir une hiérarchie de valeurs où sont valorisées celles de la civilisation occidentale. Les postmodernes ne pensent donc pas une raison universelle qui serait la même pour chaque individu, mais penchent plutôt pour une variété de rationalités différentes construites et dépendantes du contexte historique et culturel.

Depuis les Lumières, la raison était porteuse d’espoir et était censée améliorer la société grâce au progrès. Ce dernier est remis en question tout comme la théorie du développement qui y est associée (théorie de la modernisation). Plutôt que de porter son attention sur les discours officiels et formels, on préférera une approche qui prenne en compte à la fois discours formels et informels, officiels et officieux, ceux des dominés et ceux des dominants. Aux approches de développement « top-down » officielles, on préfère les « bottom-up« , ou un hybride des deux (Simon, 2008, p.122).

Un apport important du postmodernisme se trouve dans le fait qu’il ne s’agit pas de savoir s’il existe une vérité vraie, mais d’étudier les descriptions qui en sont faites et leur inscription « dans des représentations et pratiques poétiques et politiques » (Ghasarian, 1998, p.568 citant Clifford et Marcus, 1986). Par exemple, les <féministes< s’inscrivant dans cette approche, ont démontré que « la philosophie et la science occidentales sont des idéologies de pouvoir construites sur des présupposés patriarcaux et phallocentriques, comme l’idée d’une rationalité « masculine » face aux voix de l’intuition, de la magie et de l’enchantement définies, elles, comme « féminines » » (Ghasarian, 1998, p.568).

Le postmodernisme critique aussi le fait que le chercheur, en utilisant le savoir scientifique, présuppose l’utilisation de la forme la plus élevée de raison. Il est donc privilégié par rapport à celui qu’il étudie, l’Autre (Ghasarian, 1998, p.568). Cela fait prendre conscience à l’anthropologue qu’il se trouve dans un rapport de domination avec les populations qu’il étudie: son savoir est considéré comme plus élaboré que celui de l’Autre. Le travail de l’anthropologue tel que conçu avant les années ’70, c’est-à-dire une observation objective des faits sociaux, est remis en cause au profit d’une approche postmoderne où le chercheur s’engage avec ceux qui sont l’objet de son étude (Darnell et Staszak, 2006, p.876).

Le postmodernisme a eu un impact important sur la géographie: d’après cette approche, le monde étudié par le géographe « ne se résout pas en équations et n’existe pas indépendamment des êtres humains qui le perçoivent, le conçoivent, le représentent, le pratiquent, le construisent. [Il] est une réalité sociale et historique, qui existe d’abord à travers les sens, la pensée, la parole, les gestes des êtres humains« (Darnell et Staszak, 2006, p.878). Ceci conduit d’une part, à prendre en compte et donner de la légitimité aux discours et savoirs des « minorités », et d’autre part, à étudier les objets géographiques non comme des choses objectivables, mais comme des constructions discursives qui sont produites par des représentations, et qui produisent du sens.

Les critiques du postmodernisme sont souvent adressées à sa version extrême: le postmodernisme revient à une forme de relativisme dans lequel tous les points de vue sont égaux. Toute forme d’action collective est alors impossible étant donné l’impossibilité de se mettre d’accord sur des règles basiques de vivre-ensemble. On ne peut donc rien faire car chaque situation est différente.

Parmi les critiques du post-modernisme on trouve aussi les tenants du réalisme critique, qui proposent une vision moins relativiste de la construction de la connaissance.

Références

Clifford, J., & Marcus, G. E. (1986). Writing Culture: The Poetics and Politics of Ethnography. Berkeley: University of California Press.

Darnell, R., & Staszak, J.-F. (2006). Postmodernisme et sciences humaines. In S. Mesure & P. Savidan (dir.), Dictionnaire des sciences humaines (p. 875-879). Paris: Presses Universitaires de France.

Ghasarian, C. (1998). A propos des épistémologies postmodernes. Ethnologie française, 28(4), 563-577.

Simon, D. (2008). Postmodernism and development. In V. Desai & R. B. Potter (dir.), The Companion to Development Studies (2nd éd., pp. 119-124). London: Hodder Education.

Projets de recherche

Culture et développement: quelles interactions?

Religion et développement: quelles interactions?