Par Emma Chapatte
Une critique sur le spectacle :
Le Prince de Hombourg / Mise en scène par Robert Cantarella / d’après le texte de Heinrich von Kleist / Théâtre de Vidy (Lausanne) / du 6 au 10 décembre 2023 / Plus d’infos.
À Vidy, le Prince de Hombourg de Robert Cantarella questionne l’obéissance aux aîné·x·es avec une nouvelle traduction du texte d’Heinrich von Kleist, signée Stéphane Bouquet.
Nicolas Maury est un touche-à-tout. Du petit écran avec la série Dix pour Cent, au Septième Art en passant par la chanson, l’artiste aime multiplier les formes d’expression. Son amour du théâtre est lui aussi vivace et sa rencontre avec Robert Cantarella fut décisive : les deux artistes ont déjà monté une vingtaine de spectacles ensemble, et remettent ce mois-ci le couvert à Vidy.
Fauteuil œuf rouge vif, photo XXL de forêt et armure sur son portant, la scénographie de cette nouvelle création mélange les codes et les temporalités. Guerres napoléoniennes et intérieur design s’entremêlent pour créer leur propre présent, et remettre au goût du jour ce texte de 1811. Au centre du plateau, un trou rectangulaire, de la taille d’une tombe, dans lequel le Prince est prostré : la scène initiale et finale, comme une annonce prémonitoire, est saccadée de lumière crue façon flash-back cauchemardesque.
Le Prince de Hombourg est un inadapté, un rêveur. Somnambule, il se réveille la veille d’une bataille décisive avec un mystérieux gant à côté de lui. Dans son trouble, il n’écoute pas les consignes données pour le combat et le jour venu, il rompt prématurément les rangs, ramenant ainsi la victoire chez les siens mais enfreignant la loi reçue. Et s’expose ainsi à la peine capitale pour avoir désobéi à un ordre royal.
La question de l’obéissance légitime, dont les résonances sont puissantes aujourd’hui, est ainsi réactualisée. Faut-il respecter les ordres, au risque de perdre, ou les enfreindre si cela permet de gagner ? Le héros, si tant est que le terme convienne, incarne cette problématique mais ne tranche pas : c’est l’inattention qui le pousse à outrepasser un ordre qu’il ignore, gommant du même coup la charge potentiellement revendicatrice de son acte.
Il y a un peu d’Antigone dans son geste, mais surtout beaucoup de finesse, souligné par le jeu touchant et incarné de Nicolas Maury. De quoi rêver, encore, et se questionner, toujours.
Jusqu’au 10 décembre au Théâtre de Vidy, Lausanne.