20’000 lieues sous les mers
D’après Jules Verne / Adaptation et mise en scène par Christian Hecq et Valérie Lesort / Théâtre du Jorat (Mézières) / du 24 au 24 mai 2024 / Critique par Marguerite Thery .
À la rencontre des grands fonds marins et humain
03 juin 2024
Par Marguerite Thery
Christian Hecq et Valérie Lesort mettent en scène un voyage au fond des mers hors normes. Si Jules Verne, en 1867, se promettait de « s’en donner à cœur joie » en écrivant son roman, paru deux ans plus tard, cette joie est aujourd’hui partagée par les spectateurs du Théâtre du Jorat, dont la scène accueille le Nautilus. Initialement créé à la ComédieFrançaise en 2015, le spectacle donne vie à ce sous-marin mais aussi au monde aquatique qui l’entoure, grâce à de formidables marionnettes de poissons et autres créatures maritimes.
Le capitaine Nemo retient à bord de son sous-marin le professeur Pierre Aronnax, son domestique Conseil, et Ned Land, un harponneur canadien. Joyau technologique et témoin de l’immense imagination de Jules Verne, puisque précurseur des premiers véritables sous-marins, le Nautilus accompagne notre traversée. Il abonde de technologies faussement de pointes dans une esthétique steampunk : des tuyaux de communication, des trappes et surtout un grand hublot ouvrant sur les fonds marins. Les créateurs du spectacle ont réalisé un travail titanesque pour faire goûter aux spectateurs le grandiose des inventions scientifiques et de l’imaginaire à l’œuvre dans le roman original.
Même si les voix portantes des comédiens contribuent à créer une atmosphère chaleureuse, on pourrait jouer ce spectacle en muet, tant le jeu est expressif, notamment chez Laurent Natrella et Pauline Tricot, dans les rôles respectifs de Conseil et de Flippos, second du capitaine Nemo. Si le premier se calque à merveille sur la description faite de son rôle dans le roman, « un être flegmatique par nature, régulier par principe, zélé par habitude, s’étonnant peu des surprises de la vie, très adroit de ses mains », la seconde, quant à elle, donne une plus grande place à son personnage grâce à une gestuelle hyperbolique. On se demande comment ses épaules, sa bouche et ses mains tiennent dans les configurations étranges qu’elles adoptent ici. Sans beaucoup parler, son personnage apporte toute la dimension étrange et crasseuse qu’on imagine régner dans un sous-marin isolé.
Les marionnettes, construites par Carole Allemand et Valerie Lesort, émerveillent par leur beauté, leur taille parfois gigantesque, et par leurs mouvements, empreints de grâce et d’humour. Certaines marionnettes sont manipulées de l’extérieur comme dans le théâtre noir ; pour d’autres, les comédiens viennent se glisser à l’intérieur pour les animer : elles nous amusent, nous font rire et nous transportent en enfance. La précision avec laquelle sont reproduits les mouvements des créatures aquatiques, et le travail des comédiens qui bougent comme dans de l’eau aux abords de ce mystérieux Nautilus nous donnent l’illusion de la profondeur.
Au cœur de Mézières, dans le canton de Vaud, près de mille personnes ont ri d’un seul souffle et cette grange, tout de bois construite, aux allures de saloon, s’est transformée pendant trois jours, comme par magie, en un sous-marin.
03 juin 2024
Par Marguerite Thery