Mama, I don’t wanna die

Par Brian Aubert

Une critique sur le spectacle :

Mercury / Mise en scène de Sophie Pasquet-Racine / Texte de Yvan Richardet / CPO-Ouchy / du 9 au 11 mars 2022 / Plus d’infos.

© François Wavre

Mercury, une épopée musicale mise en scène par Sophie Pasquet-Racine, d’après un texte d’Yvan Richardet, est composée d’un quatuor (Aude Gilliéron, Renaud Delay, Simon Pellaux, Yvan Richardet) de comédiens, musiciens en herbe et chanteurs en devenir. Après être passés par Yverdon-les-Bains et Lausanne, c’est au Casino-Théâtre de Rolle le 18 et 19 mars qu’ils se réuniront à nouveau pour un spectacle mi-biographique et mi-scientifique sur Queen et notre planète.

Qu’est-ce qu’ont en commun Freddie Mercury en 1985 et Cassandre, une doctorante en biologie à l’Université de Lausanne, en 2022 ? Apparemment rien. Toutefois, le comédien-improvisateur Yvan Richardet, auteur de la pièce, tente de prouver le contraire. C’est sur la connaissance du diagnostic fatal du chanteur de Queen (joué par Richardet) que s’ouvre Mercury. Puis, on nous fait connaître celui de Cassandre (jouée par Aude Gilliéron) : elle est éco-anxieuse et son professeur lui demande de faire un TED talk sur la situation climatique critique de notre planète. La fin du monde approche. C’est-à-dire la mort pour Freddie mais aussi pour l’humanité. Un parallèle certes angoissant, mais amené avec panache.

C’est sur la scène de 5 x 6 mètres du Centre pluriculturel et social d’Ouchy que les quatre comédiens-chanteurs-musiciens-improvisateurs bilingues nous plongent, le temps de 80 minutes, dans un univers musical délirant. L’histoire, composée d’anecdotes biographiques de l’english band se mêle à celle de la doctorante vaudoise de manière drôle et parfois absurde. Il ne faut pas chercher de cohérence : le quatuor incarne, parmi d’autres, Freddie, Brian May, Roger Taylor et John Deacon en pleine composition de Bohemian Rhapsody, les pairs de Cassandre, ainsi que Galilée et son chat. Cet assemblage, à premier abord incongru, finit par emporter les spectateurs. Tout d’abord, cela est rendu possible grâce à la metteuse en scène Sophie Pasquet-Racine qui parvient à mettre en avant la versatilité de jeu des comédiens. Mais elle réussit également à composer des transitions rapides très réussies, sans effort apparent, alors qu’elles demandent une grande maîtrise de tout l’arrangement technique sur scène. Par ailleurs, les chansons de Queen servent à renforcer la cohérence de la pièce, tout particulièrement avec Bohemian Rhapsody qui devient le leitmotiv du spectacle. Les musiques, jouées et chantées en live, en anglais ou en français, de manière authentique ou dérisoire, sont reprises avec une certaine liberté interprétative par Yvan Richardet. Ces reprises sont par ailleurs souvent drôles, comme en témoignent les paroles « I want to ride my bisexual » chantées par Freddie lors de la scène de son coming out.

La musique à priori enjouée et héroïque de Queen sert également à atténuer une réalité plus sombre et bel et bien présente dans notre quotidien, comme un remède à l’éco-anxiété de Cassandre. Un accent sur les paroles permet de lier les préoccupations de Freddie et Cassandre à la nôtre : « Mama, I don’t wanna die » chantent-ils. Le thème de l’écologie et de la préservation de la planète, à travers la présentation de la doctorante, prend de plus en plus de place alors que la pièce avance : elle est là pour sensibiliser le public et notre inaction est dénoncée. Mais le personnage et le public se demandent : n’est-il pas déjà trop tard ? En effet, au lieu de donner des outils pour changer notre futur, Mercury nous donne une manière de faire face à notre destin tragique. En effet, si le monde doit finir en 2050, alors qu’il soit au moins accompagné des chansons de Queen en arrière-fond.