Merveilles et santiags

Par Antoine Klotz

Une critique sur le spectacle :

Farwest/ Librement inspiré de Farwest de Peter Eliott et Kitty Crowther / Mise en scène Aurélien Patouillard / Arsenic / du 23 au 28 novembre 2021 / Plus d’infos.

© Kitty Crowther

Dans cette adaptation du livre pour enfants Farwest, Aurélien Patouillard emmène les spectateurs en voyage dans un Ouest américain fabuleux et résolument drôle au travers d’une imagerie colorée et déjantée. Un défilé de personnages hauts en couleur forme un spectacle où l’on ne s’ennuie jamais, où il y a toujours quelque chose à voir et qui plaît aux plus jeunes tout en posant des questions sur notre place dans l’univers et l’accueil de l’inconnu.

C’est devant un public parsemé d’enfants que se joue la première de Farwest, mais la pièce ne s’adresse pas uniquement à eux : elle s’adresse avant tout aux grands enfants, aux personnes qui ont su garder la capacité à s’émerveiller et à rire des choses les plus simples. Sur scène, trois cow-girls ivres et assommées par la chaleur du soleil somnolent sur des chaises pliantes devant une maison qui ressemble à s’y méprendre aux forts faits de couvertures et de coussins que construisent les enfants. De fait, Marion Duval, Fiamma Camesi et Cecile Druet incarnent trois enfants jouant aux cow-boys avec tout ce que cela implique : un rythme de parole effréné, un texte erratique et absurde et une logique évidente et erronée qui font tout le charme et le comique de la pièce.
« Qui va à la chasse perd sa place » est le proverbe qui encadre Farwest : lorsque l’une des cow-girls part pour la première fois à la chasse, elle retrouve à sa place, auprès de ses amies, un nouveau venu auquel elle doit s’habituer, ce qui ne se fait pas sans heurts. L’histoire est simple mais elle se suffit à elle-même car elle offre des perspectives d’images fabuleuses à travers une succession de tableaux loufoques et poétiques alliant la rencontre de l’étrange et la simplicité des enfants. Lors d’une scène de chasse, la maison se transforme par un habile jeu de scénographie en un immense rocher duquel sort l’esprit d’un bison. Plus tard, une cow-girl joue avec un oiseau mécanique dont la beauté en vol n’a d’égal que le comique lorsqu’il s’écrase contre les murs de la maison. La force des dispositifs visuels et des costumes, notamment un fantastique Monsieur Patate, garde le public en admiration par un émerveillement qui maintient son attention pendant toute la pièce, ce qui permet aux personnages de faire durer les scènes comiques car ils savent que le public les suit et les écoute.    
Il faut aussi saluer le travail musical de Louis Schild qui accompagne l’ensemble de la pièce et souligne tous les effets visuels. De plus, plusieurs chansons ponctuent le spectacle par des moments parfois touchants, parfois drôles et toujours avec une pointe de poésie enfantine. On regrette que la morale qui éveille à l’ouverture et à la tolérance soit rapidement expédiée en une chanson. Le spectacle de l’énergie débordante déployée sur scène absorbe tant le public qu’il risque d’oublier d’écouter les paroles et de les lier à ce qu’il voit. Car ce qui est évident pour les enfants ne l’est pas toujours pour les adultes.

 On rit, beaucoup, et lorsqu’on ne rit pas, on sourit car le spectacle est en permanence plaisant par son énergie. On éprouve les mêmes sensations que lorsqu’on regarde des enfants jouer : de la fascination devant une telle inventivité mêlée à une pointe de nostalgie. Farwest est un voyage vers l’Amérique, mais aussi un retour en enfance qui fait du bien.