Le facteur temps

Par Monique Kountangni

Une critique sur le spectacle :
Retour à l’expéditeur / Conception et mise en scène de Katy Hernan et Barbara Schlittler / CPO Ouchy / du 29 janvier au 2 février 2020 / Plus d’infos

© Nora Rupp

Ouchy, sans filtre, une horde de jeunes spectateurs et spectatrices embarquent pour une excursion épistolaire animée par quatre comédien.ne.s parmi lesquels certains brouillent les pistes sans en avoir l’air. Arrivée tonitruante garantie après quelques escales digressives et oniriques.

Un décor sobre rehaussé par plusieurs rideaux colorés et le tour est joué : Mathias espionne les spectateurs et spectatrices avant de se décider à les accueillir. Vêtu d’une tenue à paillettes, il brille de mille feux et pourtant on sent qu’il n’est pas très sûr de lui et c’est peut-être cela qui le rend touchant.

Mathias emporte le public, ni une ni deux, dans un flot d’histoires sans queue ni tête. Difficile de comprendre où il veut en venir. En tout cas, il est question d’un chat enfermé dans une boîte avec une fiole de poison : un chat dont le physicien Schrödinger avait déclaré qu’il était – tant que la boîte restait close – à la fois mort et vivant. À partir de cette fameuse expérience de pensée, Mathias invite alors le public à réfléchir à des paradoxes plus courants que ceux de la physique quantique : « Il était là mais il était ailleurs » dit-il par exemple pour illustrer la capacité de tout un chacun à être à la fois physiquement présent mais mentalement absent.

Soudain, Diane entre en scène avec une énergie pleine d’agressivité envers Mathias et de sympathie surjouée avec le public majoritairement composé d’enfants. Mathias n’est pas un héros. Diane est-elle une ogresse qui va le dévorer tout cru ?

Diane apporte le courrier envoyé par des spectateurs et spectatrices des soirées précédentes. Mathias s’en empare et commence à examiner chaque lettre. Une enveloppe jaune, « de belle qualité » mais sans mention de l’expéditeur, est adressée à une certaine Barbara Fontaine.

Après la découverte de cette énigmatique lettre dans son enveloppe jaune, le conte bascule dans le monde épistolaire – du moins pour quelques moments puisque l’introduction sur scène d’un étrange animal ouvre provisoirement d’autres pistes. Mais l’enveloppe persiste et commence à exercer son pouvoir sur les imaginations. Mathias et Diane découvrent la magie de la lettre jaune. Il a peur. Elle est sceptique. Une fée apparaît en dansant pour rappeler ce qu’était jadis la correspondance privée : des mots enfermés dans une enveloppe, suspendus entre la vie et la mort, comme le chat de Schrödinger dans sa boîte. Des mots qui ne se ranimeront qu’après un certain temps, lorsqu’ils seront arrivés à destination – sauf si la lettre n’est jamais lue.

Une conclusion pleine de poésie. La boucle est bouclée mais la magie de la lettre n’a pas encore dit son dernier mot : tout le monde quitte la salle avec ses propres réflexions et peut-être avec l’envie de se lancer dans une aventure épistolaire en contrepied ou contrepoids de l’instantanéité des messages électroniques d’aujourd’hui.