Nils, le merveilleux voyage
D’après Selma Lagerlöf / Par La Cie Pied de Biche / Texte de Nicolas Yazgi / Mise en scène de Julie Burnier et Frédéric Ozier / Le Petit Théâtre / du 4 au 31 décembre 2019 / Critique par Jade Lambelet.
Prendre son envol
31 décembre 2019
Par Jade Lambelet
Le public du Petit Théâtre s’envole pour « un merveilleux voyage » initiatique en compagnie de Nils, le célèbre petit garçon au bonnet rouge et son ami Martin, le jars de la ferme. Le spectacle de Julie Burnier et Frédéric Ozier porte à la scène un classique de la littérature jeunesse suédoise en mêlant comédiens et marionnettes brillamment maniées, avec quelques touches de comédie musicale. Une véritable bouffée d’air frais, ludique et poétique !
Ce n’était pas mince affaire que d’adapter l’œuvre si célèbre de l’autrice suédoise Selma Lagerlöf. C’est pourtant le défi que relève avec succès la compagnie Pied de Biche dans sa dernière création Nils, le merveilleux voyage. En 1906 paraît le premier tome du Merveilleux Voyage de Nils Holgersson à travers la Suède : depuis plus de cent ans, ce roman de plus de quatre-cent pages, prix Nobel de la littérature en 1909, et ses multiples variantes illustrées passent entre les mains des enfants du monde entier. Sous ses airs de chérubin, Nils cache en réalité un caractère bien trempé qui ferait frémir plus d’un parent. Insolent, turbulent et violent envers les animaux, le jeune garçon ne recule devant rien pour satisfaire ses pulsions. Son destin bascule le jour où il rencontre un « tomte », lutin de maison suédois qui, pour le punir de sa méchanceté, le réduit à la taille d’une pomme. Sa petitesse lui permet de communiquer avec les animaux et de s’accommoder de leur présence. C’est alors que commence son périple initiatique aux côtés de Martin, le jars de la ferme avec lequel il se lie d’amitié et sur le dos duquel il s’envole à travers la Suède parmi la colonie des belles oies sauvages.
Si l’œuvre n’a pas manqué d’être adaptée de nombreuses fois déjà, la transposer à la scène et réduire ses volumineuses péripéties en un spectacle d’une heure impliquait des « choix dramaturgiques forts » selon les termes de la compagnie dans un entretien que lui consacre Le Petit Théâtre. Pour soutenir et conter la fable sur les planches, un remarquable travail collectif allie les talents de plusieurs artistes : le duo de scénographes « Curious Space », le marionnettiste anglais Nick Barnes – spécialisé dans la création de marionnettes volantes – auxquels s’ajoutent Antoine Friderici pour le traitement méticuleux des lumières et Jean-Samuel Racine pour la musique. Les cinq comédien·ne·s livrent quant à eux une prestation souple et précise, en passant régulièrement du jeu à la manipulation et au chant. Sur le plateau, une scène surélevée, découpée en plusieurs socles et morceaux amovibles et modulables évoque les paysages suédois, des fjords et montagnes aux intérieurs traditionnels des maisons, et permet aux acteur·trice·s de changer de costumes, de disparaître et d’apparaître à volonté. Les marionnettes finement travaillées – conçues comme de véritables poupées articulées – semblent prendre vie et font opérer toute leur magie en laissant transparaître certains de leurs mécanismes. Elles reproduisent les personnages à plusieurs échelles, déployant ainsi visuellement la métaphore qui se tisse tout au long du spectacle sur la croissance et l’amenuisement. La narration est également soutenue par des thèmes musicaux qui colorent chaque moment des aventures du petit voyageur et de ses compagnons.
Ensemble, les marionnettes et la musique révèlent sur scène la portée symbolique et la force poétique de ce merveilleux voyage. Le spectacle met en lumière l’odyssée géographique et spirituelle du jeune aventurier, car si Nils quitte le nid familial pour découvrir l’étendue de son pays, son envol signifie aussi et surtout ses métamorphoses intérieures. « On ne devient vraiment grand que petit à petit », comme le rappelle Martin dans une sagesse pleine d’humour. Souffle de fraîcheur et hymne à la liberté, Nils, le merveilleux voyage met en scène un véritable conte philosophique et éthique, qui propose aux enfants de riches réflexions sur les différents âges et étapes de la vie, sur ce que signifie grandir, sur l’entraide et le respect mutuel des hommes et sur leurs rapports aux animaux et à la nature dans une belle leçon d’harmonie.
31 décembre 2019
Par Jade Lambelet