Par Manon Lelièvre
Une critique sur le spectacle :
Un conte de Noël / D’après Charles Dickens / Adaptation et mise en scène de Claude-Inga Barbey / Théâtre de Carouge / du 3 au 22 décembre 2019 / Plus d’infos
Une mise en scène simple, efficace et agréable, qui s’inspire étroitement du conte de Dickens. Dans une atmosphère joyeuse, malgré quelques pesanteurs dans le jeu très expressif, l’histoire déjà cent fois racontée, mais jamais lassante, nous rappelle la joie de se retrouver en famille pendant Noël et de partager un moment unique avec ceux que l’on aime.
C’est la veille de Noël et le grincheux M. Scrooge, avare et insensible, est le seul à ne pas s’en réjouir. Ou presque : car chez Claude Inga-Barbey, il y a aussi son affreuse tante Arabella (incarnée par la metteure en scène elle-même), qui martyrise sa pauvre domestique Marguerite (Doris Itting). On comprend rapidement l’attitude de Scrooge, lorsqu’on voit la femme qui l’a élevé : impoli avec ses concitoyens, odieux avec les plus malheureux et particulièrement insensible au sort de son commis et neveux Bob Cratchit, Ebenezer Scrooge n’est aimé de personne. Le fantôme de John Marley, son ancien associé, couvert des chaînes forgées par l’accumulation des richesses, lui prédit une fin semblable à la sienne s’il ne change pas. Trois Esprits de Noëls lui apparaissent. L’un le transporte dans ses douloureux Noëls passés, un autre dans le présent du pauvre repas de Noël de la famille Cratchit, heureuse pourtant d’être réunie, et le dernier dans son terrifiant Noël futur. Emu et dévasté à la vue de tant de malheurs, Scrooge promet qu’il changera. Dès son réveil, heureux, il fait un don pour les pauvres, il augmente le salaire de son neveu et achète une énorme dinde pour sa famille. Il rend même visite à sa vieille tante pour lui pardonner, même s’il est trop tard pour elle. Et tout finit bien, grâce à la magie de Noël.
La scénographie nous transporte immédiatement dans l’Angleterre de l’époque victorienne : longues robes pour ces dames, cannes et hauts de formes pour ces messieurs, brouillard envahissant dans les scènes de rue. Un grand lit à baldaquin mobile, pièce maîtresse du décor, se décline en différentes bâtisses grâce à un ingénieux système où, de chaque côté, coulissent des tissus décoratifs. Mise en mouvement, la structure permet de voyager aisément d’un endroit à un autre. Quelques meubles la complètent selon les scènes, pour marquer la particularité des différents lieux
Le cadre est celui d’un Londres en pleine révolution industrielle qui fait la fortune de certains, mais où se pressent des centaines de misérables dans les rues. Cette thématique, chère à Dickens, se retrouve dans les différentes élocutions. En effet, un travail impressionnant de la part des acteurs a été réalisé sur le style énonciatif de chaque personnage. Le parler de la bonne servante, Marguerite, avec sa voix rauque et son langage quelque peu grossier contraste avec l’accent anglais pincé de sa maîtresse, qui incarne les valeurs égoïstes de la haute société. Toute la famille Cratchit a un cheveu sur la langue, comme pour marquer la simplicité de leur vie pauvre et difficile mais heureuse, presque naïve. Au contraire, M. Scrooge, parle durement, à l’image de son cœur de pierre. Ces types aux traits très marqués rappellent l’univers du conte, même si le choix d’un jeu caricatural, parfois excessif dans certaines scènes, nuit parfois à la bonne saisie des propos par les spectateurs.
La magie de Noël est sans cesse convoquée sur la scène par la bonne humeur des dialogues, entrecoupés par de la musique et des chants. Les effets spéciaux, loin d’être spectaculaires, sont simples et efficaces, ce qui leur donne toutes leur force. Avec un simple jet de paillettes, les esprits de Noël réalisent des miracles. Les enfants sont poétiquement remplacés par des plumes, comme pour rappeler leur innocence angélique. Plus encore que la magie de Noël, c’est la magie du théâtre qui se joue devant nos yeux. Comme les tours de passe-passe que réalise en direct Pierric Tenthorey, tout devient possible sur la scène.