Piletta Remix
Texte et mise en scène de la compagnie Le Collectif Wow ! / Théâtre Équilibre-Nuithonie / du 6 au 7 octobre 2018 / Critque par Natacha Gallandat.
6 octobre 2018
La magie du son
Piletta Remix est un conte radiophonique pour petits et grands, une histoire racontée en scène, où les effets sonores, créés devant le public, produisent des images mentales qui se substituent à un décor matérialisé. Obligatoire pour ce voyage, le casque audio, remis au début de la représentation, permet à chacun d’accompagner la jeune Piletta dans ses aventures.
Le collectif Wow !, une « tribu, une horde, une bande d’artistes » a imaginé raconter un conte en explorant le son. D’abord enregistrée sous le nom de Piletta Louise (et disponible sur le site internet du collectif), cette histoire destinée aux auditeurs de la Radio Télévision Belge Francophone n’en est pas restée là. Dans cette version recréée pour la scène, elle se love au creux des oreilles et se déroule sous les yeux des spectateurs.
L’intimité se crée dès que le public revêt son casque. Dans la salle, les petites lumières rouges indiquent que tout le monde est prêt. La scène est plongée dans la pénombre. Deux grandes tables pareilles à des tables de studio de mixage se présentent aux spectateurs. Derrière elles sont installés trois des membres du collectif. Au milieu se tiennent les deux comédiens qui prêtent leurs voix aux différents personnages. De petites liseuses éclairent chacun des cinq visages. Commence la magie. S’élève une voix chaude, celle du narrateur, interprété par Florent Barat. En quelques sons, l’histoire prend vie.
Piletta, une petite fille de neuf ans, surprend une conversation très inquiétante au travers d’une porte : sa grand-mère Nanette serait très malade. Seule la fleur, rare, de Bibiscus, poussant sur la colline de Bilipolis, pourrait la sauver. N’écoutant que son courage, la fillette décide de partir en quête de cette fleur inconnue.
Les effets sonores, créés en direct, font surgir objets, mouvements, décors. Un amas de trombones évoque des pièces de monnaies, une carafe vide sert de sourdine, un verre d’eau s’anime en instrument de musique. Cette substitution des sons aux objets ouvre sur un potentiel infini, celui de l’imagination. Le public est happé dans le monde de Piletta grâce à cette construction sonore. La pièce promettait « d’entendre ce qu’on ne voit pas mais aussi de voir ce qu’on n’entend pas » : promesse largement tenue.
Emilie Praneuf prête sa voix à Piletta mais l’incarne aussi entièrement. Derrière son micro, dans le faible halo de lumière, son visage affiche toute une palette d’émotions. Son costume, une salopette rose, est ingénieusement atemporel. A ses côtés se tient Sylvain Daï qui endosse une grande partie des personnages que rencontre Piletta. A chaque fois, il se métamorphose : visage, stature, tout change dans un investissement total à chaque fois renouvelé. Dans la salle, les enfants restent entièrement absorbés pendant les cinquantes minutes du spectacle. Pas un ne bouge, pas un ne s’impatiente.
Le son comme élément central de la pièce, comme moteur de l’imaginaire était un pari risqué à l’heure du « tout écran », mais il est tenu merveilleusement. Le collectif Wow ! réalise ici une pièce pour tous, en explorant un média parfois oublié avec une créativité technique et un imaginaire onirique qui emportent l’adhésion. Pour ceux qui n’auraient pas eu la chance de vivre ce moment à Fribourg, le spectacle sera de retour pour une seule représentation à Morges le 3 novembre au Théâtre de Beausobre. Courrez-y, avec ou sans enfants.
6 octobre 2018