Par Margot Prod’hom
Après le Déluge / De Aurélia Lüscher, Bastien Semenzato, Céline Nidegger, Guillaume Cayet / Cie Superprod / Théâtre de l’Usine / du 11 au 17 mai 2017 / Plus d’Infos
C’est dans un dispositif technique original et compliqué que se déroule Après le déluge. Cette pièce, co-écrite par Aurélia Lüscher, Céline Nidegger, Bastien Semenzato et Guillaume Cayet déploie un univers dystopique et apocalyptique dont on ignore tout. La seule chose dont on est sûr, c’est qu’il faut voter. Mais on ne sait même pas pourquoi on vote. D’ailleurs nos votes ne semblent pas avoir d’impact sur le scénario puisque tout est prévu pour nous montrer que nos décisions ne changeront rien. Alors pourquoi voter ? On en vient à se demander quel est l’objectif. L’objectif est-il de mettre en exergue la futilité de ce geste? Mystère. En sortant de la salle, une question demeure : quelle peut-bien être l’intention artistique ?
Dôme carcéral. Couloir de décompression. Salle des commandes. Ecran où défilent les marches à suivre et les différents votes. Passages de niveaux. Acoustique métallique et criarde. Ambiance futuriste, mécanique et glaciale. Le dispositif scénique est complexe et suggère une situation à mi-chemin entre un film de science fiction et une expérience de Milgram. Le régisseur tape les consignes de vote en direct et les projette sur l’écran. Il comptabilise les voix et communique des messages aux comédiens dans le dôme à travers un micro.
L’aspect dystopique est créé par le dispositif technique mais, en réalité, on ne sait rien de la situation. Il semble qu’il y ait eu une catastrophe, pourtant C arrive en disant qu’elle a oublié sa confiture de cerises sur le feu. Bel et agréable univers ravagé par une catastrophe que celui où l’on peut faire de la confiture chez soi. Manifestement, le cœur de l’attention artistique ne réside pas non plus dans la construction d’un univers cohérent.
Après cinquante minutes de spectacle, lorsque le régisseur annonce qu’on recommence le jeu, un spectateur se lève pour aller appuyer sur le bouton « STOP ». S’il est indubitable que l’ensemble du public aurait aimé faire de même – étant donné l’affalement des spectateurs les uns sur les autres, les bâillements, les soupirs, les regards sur les voisins, les mouvements de jambes, etc. – personne, à part lui, n’a osé. Et on est tellement mal à l’aise, que quand on nous demande de voter pour savoir si ce monsieur doit sortir seul où si l’on arrête la représentation, une majorité décide que le spectacle doit continuer. Le monsieur courageux se résigne à rester à sa place. Décidément, l’intention ne paraît pas être non plus d’autoriser le public à impacter réellement sur le scénario.
Nonobstant l’originalité du dispositif, la visée de la pièce, on l’aura compris, demeure un mystère.