Tout en douceur…

Par Jérémy Berthoud

D’autres / De Tiphanie Bovay-Klameth et Alexis Rime / Mise en scène par Tiphanie Bovay-Klameth et Alain Borek / Compagnie TBK / Théâtre 2.21 / du 28 février au 12 mars 2017 / Plus d’infos

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Tendresse. Voilà un mot parmi d’autres pour qualifier D’autres où, seule en scène, Tiphanie Bovay-Klameth interprète différents personnages directement inspirés de son entourage.

Imaginons deux secondes que notre être, dans tout ce qu’il a de quotidien et de banal, se retrouve soudainement catapulté sur une scène et transformé en personnage de théâtre. Imaginons que la comédienne qui nous incarne aille jusqu’à reprendre les petits tics que nous essayons tant bien que mal de cacher : des mains qui vagabondent négligemment dans les cheveux, des expressions que nous employons sans nous en rendre compte… Imaginons que les quelques défauts dont nous sommes pourvus prennent toute leur ampleur sur le plateau. Cela en vexerait sans doute certains. Mais Tiphanie Bovay-Klameth pastiche l’humain avec tant de douceur qu’il serait difficile de lui en vouloir. Elle joue en effet chacun de ses personnages avec une sincérité totale. Elle passe de l’un à l’autre avec fluidité et clarté et ne néglige aucun détail dans son jeu pour les nourrir, que ce soit à l’aide d’un regard, d’un mouvement de poignet ou d’un bégaiement ; elle croit en eux et ne s’en distancie jamais pour se moquer. Nous ne rions pas des personnages mais des échos qu’ils provoquent en nous.

Et D’autres foisonne justement d’échos. Tiphanie Bovay-Klameth a choisi de réunir ses caractères pour organiser une « soirée de gym » comme on en trouve dans chaque commune romande qui se respecte. Tout y est : la création des costumes, les répétitions et leur lot de cris, les tests de sonos où on boit de la bière… Le spectacle se veut local, peut-être parce que la comédienne est elle-même une enfant du pays de Vaud. À ce fil principal, assez explicite, se joignent quelques scènes qu’il est parfois difficile de rattacher au reste, comme la scène d’ouverture où une femme recherche une tombe au bord d’une rivière. En effet, la performance s’est construite à partir d’improvisations qui n’avaient pas forcément de lien entre elles et qui ont été après coup rassemblées en une gerbe. Cette structure un peu lâche pourrait gêner mais, avec un peu d’imagination, la plupart des blancs se trouve rapidement comblée. À nous de voguer entre les différentes atmosphères, généralement comiques, si l’on excepte une scène d’enterrement où un personnage pleure continuellement, ne s’arrêtant que pour saluer voisins et amis. Il y avait là un malaise qui contrastait agréablement avec la tonalité enjouée.

Tout se termine avec le fameux spectacle de gym, soit une chorégraphie volontairement maladroite sur « Entrer dans la lumière » de Patricia Kaas. Tiphanie met dans ce dernier numéro une telle conviction, une telle candeur, qu’il est impossible de simplement en rire. On sourit aussi, doucement. Parce que, dans un passé lointain, peut-être que nous aussi avons dansé lors d’une soirée de gym avec un sourire jusqu’aux oreilles…