Par Jérémy Berthoud
Goupil / Par Les Compagnons de Pierre Ménard / Mise en scène de Nicolas Fagart / le Petit Théâtre / du 8 au 11 mars 2017 / Plus d’infos
Rejouer les aventures du Roman de Renart en mimes et en langue des signes est un pari audacieux. C’est pourtant sans peur mais avec une précision sans faille que s’y sont attelés les Compagnons de Pierre Ménard.
Depuis la fin du XIIe siècle, Renart le goupil a toujours pris bien du plaisir à se moquer de ses semblables, animaux et humains confondus. Pour rendre hommage aux aventures de ce fameux quadrupède, deux comédiennes en ont traduit quelques-unes en mimes et en langue des signes : leurs gestes sont précis; leur visage et leur corps, très expressifs, marquent clairement les différents personnages à l’aide de mimiques comiques et de postures maîtrisées : il y a le loup Ysengrin, terrestre, bête et méchant; Renart, à la gestuelle plus subtile; des paysans, rustres et lourds; un oiseau anglais, tendu; un poussin ado-rebelle tout mou; Pinte la poule, sa mère, et ainsi de suite. Elles miment également la pluie et le soleil qui se lève, avec toute la légèreté et la poésie inhérentes à la langue des signes.
De part et d’autre de la scène, un violoncelliste et un conteur. Sans eux, pas de bruit, pas de tempo pour accompagner les mimes. Et l’alchimie fonctionne : chaque son émis par l’instrument se manifeste, ou plutôt se traduit, simultanément dans le jeu des deux femmes. Un son lent donne un mouvement lent, un son lourd un mouvement lourd et ainsi de suite. La musique caractérise les atmosphères, les états d’esprit des personnages, les ambiances : un brin de tango et les deux animaux se mettent à danser, un peu de country et on se retrouve au far west, un son sec et une gifle fuse, un autre son, une autre gifle. Les bagarres (et il y en a régulièrement) impressionnent par leur précision : la synchronisation entre les coups, les réactions aux coups et le son des coups est irréprochable.
Le conteur, quant à lui, donne à chaque personnage une voix différente, toujours amusante, et entre en résonance avec les corps et la musique. Les trois instruments – voix, corps et violoncelle – se nourrissent et s’écoutent mutuellement. Le rythme oscille entre vitesse et pesanteur, explose au moment où les loups débarquent, à tel point que le musicien quitte sa place pour courir dans la salle. Le texte est difficile d’accès par la présence de termes anciens comme « huis » ou « castel » mais, traduit en musique et en mime, il s’éclaircit rapidement.
L’écoute sur le plateau est forte ; celle du public l’est aussi. Lorsque les artistes reviennent à la fin pour discuter et nous apprendre une comptine en langue des signes, comptine qui résume l’histoire à laquelle on vient d’assister, les enfants n’en perdent pas une miette… Les adultes non plus, d’ailleurs. C’est là signe de réussite.