Bas les masques !

Par Alicia Cuche

Le Bal des voleurs / De Jean Anouilh / Mise en scène Robert Sandoz / Théâtre Nuithonie / du 23 au 24 mars 2017 / Plus d’infos

©Guillaume Perret

Dans cette proposition scénique déjantée de la comédie-ballet de Jean Anouilh, des voleurs trompent la confiance de leurs hôtes afin d’obtenir les trésors tant convoités… Mais au fait, au bal des voleurs, qui trompe qui ? Entre apparences, jeux de dupes, intrigues et passions, la vérité ne se révèle qu’à demi-mots.

À Vichy, ville thermale, dans une atmosphère des années soixante, par une belle journée estivale, un vieil aristocrate lit le journal dans un parc près d’un kiosque. Mais l’ambiance est moins sereine qu’il n’y paraît. Un enfant manque de se noyer, deux sœurs tombent amoureuses ou presque de deux intrigants, une dame richissime et fantasque s’ennuie et la police guette car des pickpockets sont dans la place ! Experts en déguisements, les trois lascars en viennent à se duper eux-mêmes, mais tous leurs efforts ne trompent pas Lady Hurf, qui voit dans cette rencontre de quoi pimenter son quotidien. Sans laisser à Lord Edgard l’opportunité de la contredire, Lady Hurf invite les trois compères voleurs dans sa belle villa, où elle vit avec ses deux jolies nièces. Dans ce salon qui rassemble la maîtresse des lieux et de la situation, un voleur transis d’amour et pétri d’honnêteté, une belle et séduisante héritière profondément seule, des malandrins indécis, un fils à papa maladroit et intrigant qui ne quitte, littéralement, jamais feu son père et une grande romantique, rien ne se passe vraiment comme prévu. Porter un masque dans cette mise en scène de Robert Sandoz n’est pas qu’une question de costumes de théâtre. Qui tombera son masque le premier ? Car Lady Hurf le dit bien, il est toujours dangereux de trop se dévoiler : « je parle entre mes dents pour que tu ne comprennes pas ». Petit à petit les secrets se dévoilent dans un humour déjanté et décalé, pour notre plus grand plaisir. Cependant, Juliette et Gustave l’auront bien compris, les masques ne servent à rien en amour, pas plus que les pierreries.

Dans une mise en scène qui fait une large place à la musique et où le Can’t buy me love des Beatles revient comme un refrain, Robert Sandoz fait une utilisation tout à fait intéressante des masques. Ils deviennent les symboles des attitudes et des personnages que l’on incarne face au regard des autres. Démultipliés et échangés selon les objectifs qu’on poursuit, les masques peuvent aussi être retirés quand on ose révéler sa véritable identité. Au sein d’un répertoire largement consacré aux spectacles de boulevard, allant de l’adaptation de bandes dessinées avec Le combat ordinaire (2012-2014), à celle d’un roman social avec D’acier (2015-2016) en passant par une mise en scène de l’opéra bouffe La Belle Hélène d’Offenbach (2015), Robert Sandoz propose, avec Le Bal des voleurs, un nouveau spectacle à l’humour grinçant, où la psychologie des personnages et le jeu des apparences révèlent une nature humaine à la fois fragile, ingénieuse et énergique.

Le Bal des voleurs plaira aux amateurs de comédies à la fois romantique, burlesque et surprenante, avec toutefois de quoi nourrir quelques réflexions sur la place de l’honnêteté et la nécessité de toujours jouer un rôle. Présentée à Nuithonie du 23 au 24 mars 2017, la mise en scène de Sandoz sera jouée ensuite au TKM-Théâtre Kléber-Méleau du 26 avril au 12 mai 2017.