Par Laura Weber
Une critique du spectacle :
PÅG – Morning wood / création et mise en scène Christian Denisart / Compagnie Les Voyages Extraordinaires / du 10 au 15 janvier 2017 / Théâtre 2.21 / Plus d’infos
Vous ne connaissez pas Påg ?! Ce groupe suédois pourtant incontournable des années 80 ? Il n’est pas trop tard, le quatuor remonte sur scène, pour la sortie de leur dernier album Morning Wood et ils ont décidé d’entamer leur nouvelle tournée à Lausanne, au 2.21.
Originaires de Malmö, Morten, Preben, Tag et Bra sont les membres d’un des groupes les plus connus de Suède, Påg. Leur renommée atteint des sommets et s’accompagne de tous les excès liés à la célébrité. Cette vie fastueuse menée par le quatuor suédois se termine tragiquement lorsque les quatre hommes disparaissent dans les bois de Holgersen en plein hiver. S’ensuivent des funérailles nationales grandioses aux abords du palais royal de Stockholm.
Miraculeusement, Morten, Preben, Tag et Bra sont retrouvés 19 ans plus tard grâce à la fonte des glaces. Naturellement cryogénisés, le groupe revient à la vie sans aucune séquelle. Mais, fatigués de leur gloire, les membres de Påg se retirent dans les bois tranquilles de Norrtälje. Les jours se font longs dans ce petit chalet en bois. Bien vite, la nostalgie de la frénésie de leur vie passée les envahit.
De manière totalement décalée, Christian Denisart pousse la caricature à bout en mettant en scène son propre groupe de musique formé en 2007, auquel il invente une notoriété. Du chalet au design suédois aux recettes de cuisine internationalement popularisées par le géant Ikéa, comme ces boulettes de viande traditionnelles appelées köttbullar, tous les clichés de la culture suédoise sont mobilisés et les stéréotypes peuplent cet univers grotesque. Les costumes ne sont pas en reste : habillés de chemises satinées à volants, de pantalons évasés sur le mollet et chaussés de derbies laquées, les comédiens n’ont rien à envier aux chanteurs d’Abba. La description de ce microcosme franchit sans remord la limite du « too much », au point que le spectateur se laisse prendre par cette mise en scène loufoque complètement assumée. Cet usage excessif et parodique du stéréotype fait naître le comique.
Dans une volonté de coller au mieux à cet univers scandinave, les comédiens s’expriment majoritairement en suédois, à l’exception des nombreux passages musicaux en anglais. Bien que le spectateur puisse lire la traduction dans les surtitres, le dispositif instaure une certaine distance entre le jeu des acteurs et le public. Ce décalage entre la langue du spectateur et la langue parlée sur scène permet ainsi des effets amusants autour de la prosodie et des sonorités suédoises, relativement exotiques pour un public suisse.
La forte présence des moments musicaux pousse toutefois à s’interroger sur la nature de la proposition. Le dispositif théâtral n’est-il pas finalement qu’un prétexte, pour ces quatre compères, pour se donner à nouveau la réplique en chansons ? Des écrans cathodiques et des diapositives retracent le parcours de Påg grâce à des montages grotesques, dont la fausseté est volontairement mise en évidence. Ces remémorations, issues d’images factices, amènent ainsi l’espace théâtral à se transformer en salle de concert. Les murs en bois du chalet sont temporairement remplacés par des projecteurs lumineux, permettant au groupe d’entamer une performance musicale composée de chants à quatre voix a capella. Le public applaudit, sans doute un peu éberlué par le spectacle sous ses yeux, difficile à catégoriser mais plaisant.