Par Céline Conus
Miss Poppins / The Divine Company / adaptation et mise en scène Stefania Pinnelli / Le Petit Théâtre / du 7 au 31 décembre 2016 / Plus d’infos
Un tour de parapluie et la voilà à Lausanne, en 2016 ! La fantastique nounou aide un père et sa fille à « regarder les choses autrement », surmontant ainsi petits soucis et grandes peines, à l’aide de chansons, de danses et surtout de nombreux tours de magie entre apparitions, disparitions, multiplications, jonglage et étincelles. Le tout est plein d’enseignements et l’escale en vieille ville vaut le détour…
C’est une véritable petite machinerie magique qui se déploie dans le Petit Théâtre ! Au centre de la scène, un plateau noir qui se fond dans le décor et duquel sortiront des paysages, des mondes, des ambiances. Les jeux de trappes et les mécanismes cachés vous attraperont, c’est sûr, quel que soit votre âge. Au mur, trois bibliothèques qui renferment bien des secrets. Les murs, tiens, parlons-en : on peut passer au travers. Quant aux lumières, elles changent, s’éteignant parfois tout à fait, faisant luire des silhouettes dansantes et volantes, laissant briller les étoiles dans le ciel et dans les yeux des spectateurs, émerveillés par les vrais tours de magie qui rythment le spectacle.
Nous sommes en 2016 et Miss Poppins officie encore. Belle et pétillante, elle ne vieillit pas et excelle toujours autant dans son métier de gouvernante. Elle atterrit cette fois chez Emma, une jeune fille de dix ou douze ans et son père, Monsieur Peterson, architecte : gentil papa certes, mais papa dépassé… Emma en fait voir de toutes les couleurs à une ribambelle de nounous qui ne restent pas bien longtemps dans la petite famille, poussées à bout par la fillette et son fort caractère, ses idées bien arrêtées sur ce qu’elle aime ou pas. Ce qui manque à Emma, c’est tout d’abord sa mère, qui n’est plus là, mais aussi quelqu’un qui soit capable de canaliser son énergie et de stimuler son imagination, quelqu’un qui lui montrerait comment regarder la vie en s’émerveillant, quel que soit son âge. Papa Peterson prendra aussi une leçon à ce sujet, ainsi que la truculente grand-mère d’ailleurs…
Toute l’histoire se passe donc dans l’appartement d’Emma et de son père. Enfin, oui et non… Enfin, pas tout à fait. Comment vous dire…. Parfois, dans une forêt enchantée, tout le monde prendra de grands bols d’air à la fraise sortant d’une théière magique, dans de grandes tasses aux couleurs acidulées qui tiennent toutes seules en l’air (c’est pratique). Parfois, sur la plage, se suçoteront des conversations sucrées entre amis. Parfois dans le salon, Emma – il le faut bien – fera ses devoirs. Mais il n’est pas impossible que jouer avec les mots fasse apparaître soudain…Cyrano de Bergerac ! Traversant ce même salon, fendant l’air de son nez, que dis-je de son roc, de son pic, de son cap, son grand chapeau à plumes à la main, le maître de la formule va nous démontrer que les mots piquent, caressent, flattent, chatouillent ou se révèlent parfois très utiles… Tout cela est bien fatigant n’est-ce pas ? Qu’à cela ne tienne, apparaitront des chaises pour se reposer, cachées dans les murs du salon. Elles étaient là depuis le début, mais on ne les avait pas vues. Besoin d’un peu d’air ? On installe une fenêtre, comme par magie. Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme, comme le dit Miss Poppins.
Que les fans de Mary Poppins se rassurent, il y aura aussi des chansons et de la danse, des personnages hauts en couleur ! En revanche, point de Supercalifragilisticexpialidocious : « c’est dépassé ! » nous dit la merveilleuse nounou. qui lui substitue un autre mot qu’il m’est bien impossible de reproduire ici, : tout aussi long et compliqué mais, c’est promis et je l’ai vu, tout aussi magique !
Les acteurs prennent, cela se voit, un plaisir délicieux et plongent à corps perdu dans la magie de l’histoire. Olivia Seigne est tellement jolie avec son parapluie magique, ses bottes années trente à petits boutons qui dessinent ses élégantes et fines chevilles et sa grande jupe à volants, qu’elle a fait battre mon cœur de petite fille : je voyais Mary Poppins ! Denis Correvon est un très gentil papa qui ouvrira les yeux et apprendra à regarder les choses autrement. Sandrine Girard est une petite Emma gentiment agaçante parfois, drôle et tellement touchante. François Karlen endosse tour à tour et toujours avec grand talent les costumes de grand-mère, vendeur de sucreries sur la plage et ouvrier du bâtiment ! Pierric Tenthorey est un Tim drôle et rassurant, magiquement omniprésent ! Un grand coup de chapeau donc à Stefania Pinnelli qui a courageusement osé l’adaptation et la mise en scène de ce grand classique ainsi qu’à toute l’équipe technique qui fait advenir le merveilleux sous nos yeux. Dans une époque qui loue le virtuel, qu’il est bon et poétique de « voir en vrai » la magie opérer. Tous les enfants présents cet après-midi là ne s’y sont pas trompés. Magie, poésie, humour et mélodie : à coup sûr, ce très joli spectacle émerveillera les enfants, celui que vous tiendrez par la main ce jour-là, où celui que vous êtes encore au fond de vous.
Une anecdote encore : en attendant l’ouverture des portes de la salle, enfants et parents sont réunis dans la cafétéria : cela sent bon le chocolat chaud, ça grignote des biscuits dans tous les coins… Du plafond sur lequel est peint un ciel en trompe l’œil pendent des petites boules de papier chiffonnées. Une grand-mère dit doucement à sa petite-fille : « Tu as vu la déco, c’est joli non ? ». Et la petite de lui répondre : « Ce n’est pas de la déco mamie, c’est des nuages ! ». Que disait Mary Poppins déjà ? Ah oui ! Regarder les choses autrement…