Par Alicia Cuche
Dada ou le décrassage des idées reçues / Mise en scène et montage de Geneviève Pasquier / Théâtre des Osses / du 8 au 23 décembre + 31 décembre 2016 / Plus d’infos
Au Centre dramatique fribourgeois – Théâtre des Osses, Dada ou le décrassage des idées reçues amène sur scène le mouvement dada dans toute sa créativité. Geneviève Pasquier est allée puiser dans les textes de divers auteurs, notamment Hugo Ball, André Breton, Francis Picabia, ou Guillaume Apollinaire. Le résultat est un spectacle riche en idées et facilement accessible, dont l’on revient avec des questionnements plein la tête. Un joli voyage d’une heure quinze.
Alignés, des métronomes font osciller un œil, une oreille, un nez, une bouche, un sourcil, qui nous parlent. Ici, le corps s’expose, et pas seulement au rythme des métronomes : dans l’effacement ou l’inversion des sexes, dans le refus de l’identité et du code social, dans le massacre des membres. Ce n’est pas la première fois que Geneviève Pasquier, co-directrice avec Nicolas Rossier de la Cie Pasquier-Rossier et du Centre dramatique fribourgeois, se frotte aux auteurs des mouvements artistiques novateurs du XXe siècle. Après la création Oulipo et surréaliste inspirée par Raymond Queneau LéKombinaQueneau (2009), elle prend ici comme objet le mouvement dadaïste auquel elle s’intéresse depuis dix ans.
La grande boîte du début du spectacle est peu à peu ouverte et vidée de tout son contenu, un énorme capharnaüm, du « cheni » comme le relève une spectatrice. Oui, mais un désordre très bien organisé, car il y en a des choses, dans la boîte : une bouteille de gaz, des rouleaux de papiers, des structures métalliques, une machine à écrire, une machine à coudre, une roue de vélo…. La scène prend alors l’allure d’une immense maquette prête à être montée. L’univers dada est là aussi : déconstruire pour construire autre chose, autrement, quitte à le détruire à son tour ; des bouts de sagesse dans l’apparente folie. Le projet s’intéresse aussi à la langue. Un personnage livre son envie d’avoir son langage à lui et non celui qui est imposé par la société. Une quête plus largement exprimée à travers un spectacle polyglotte puisque les personnages parlent tour à tour français, allemand, anglais, et parfois une autre langue, sans compter les bruits et les onomatopées. « Ich werde leben ! Ich glaube, ich lebe ! Je suis vivante ! I am alive ! Ich lebe ! » crie la femme : le spectacle ne semble pas détruire juste pour détruire, mais pour chercher un autre sens à la vie, ou un autre non-sens. Après nous avoir fait lever, siffler, lui crier dessus, refuser d’aller « lui casser la gueule », la même femme nous lance : « Vous êtes tous des poires. Vous verrez que dans une heure vous nous applaudirez, mes amis et moi » : on applaudit effectivement, ad libitum, et de bon cœur.