Cette année, l’avenir est en avance
De Robert Sandoz / Mise en scène de Aude Bourrier et Carole Schafroth / Théâtre Am Stram Gram / du 16 au 18 décembre 2016 / Critique par Thomas Cordova.
Et si c’était possible
18 décembre 2016
Par Thomas Cordova
En tant que parents un tant soit peu préoccupés par l’éducation de votre progéniture, vous avez bien dû, un jour, vous demander comment lui expliquer l’astrophysique nucléaire et la relativité générale. « Comment faire comprendre, à ces chères têtes blondes, l’incomparable immensité du multivers des potentialités ? » Voilà une préoccupation toute normale, un tracas, hélas, bien commun… Une des solutions est de voir comment Robert Sandoz s’y prend pour vous le montrer et ça se passe sur scène.
Aude est technicienne de scène. Elle est sympa, elle nous accueille et nous fait patienter. L’avenir est certes en avance mais, ma foi, pas les comédiens. Rien de catastrophique : Aude a de la musique d’ambiance, le théâtre une machine à café et nous, nos smartphones… On a de quoi s’occuper. Quelques minutes à apprendre que le mariage de Kanye West est en danger, deux ou trois échanges d’une courtoisie à toute épreuve avec d’autres hominidés, et notre hôtesse décide de nous faire entrer. La scène est un capharnaüm, rien n’est prêt : Aude se voit obligée d’improviser. Et n’est-ce pas là une représentation poétique et assez pertinente de l’univers ? Une belle pagaille où l’on se contente d’improviser ?
Alors oui, dans ce chaos, tout peut arriver. Et comme le dit la loi de Murphy : tout arrive. Trappe, effets de lumières, explosions pyrotechniques, ombres chinoises, calembours sur leur lit de contrepèteries ; demandez, il vous sera donné. Et ce n’est pas tout : nous avons même la chance de rencontrer une voyageuse temporelle : Carole.
Carole vient du futur, à peu de chose près une trentaine d’années. Elle est bien entendu dans sa combinaison orange de spationaute et possède des chaussures gravitationnelles. Elle est, comme son nom ne l’indique pas, une scientifique ou, du moins, une savante un peu folle. C’est elle qui va nous faire voyager dans le multivers des possibles. Comment ? Eh bien, somme toute, avec une sorte d’immense machine bigarrée qui permet de lire les univers possibles d’un individu. Plus simplement : un lecteur DVD géant d’univers possibles. Car comme vous ne l’ignorez pas : chaque individu, au moment d’un choix se retrouve devant l’immensité des potentialités s’offrant à lui, chacune existant indépendamment dans un univers parallèle.
Oui, dit comme ça, cela paraît un peu compliqué. Sur scène, ça l’est beaucoup moins. La pièce regorge d’idées brillantes, d’astuces ingénieuses afin d’éclairer cette problématique qui est loin d’être facilement accessible à notre cortex parfois trop reptilien. Mieux encore, la pièce s’attaque au paradoxe avec beaucoup de poésie et fait passer son message simplement, sans forcer les matières grises. Alors, personnellement, étant assez lent, je n’ai pas tout compris mais mon voisin de neuf ans m’a promis de m’envoyer par mail un Powerpoint avec ses explications.
Ami lecteur, il n’est pas nécessaire de te conseiller ou non d’aller voir cette pièce ; de toute façon, il est un univers possible où tu y as déjà été. C’était un jour chaud de la fin d’un printemps, tu transpirais un peu dans cette salle comble, ton fils avait faim et Donald Trump était marchand de glace.
18 décembre 2016
Par Thomas Cordova