Cercle

Cercle

De Alexandre Chollier / Mise en scène de Jean-Louis Johannides / Théâtre du Loup, Genève / du 07 au 18 décembre 2016 / Critique par Thomas Cordova.


Une histoire de globe

11 décembre 2016

© Christian Lutz

Voir une carte, avouez-le, c’est toujours assez étonnant. Mais non, pas Google Maps… Je vous parle de ces cartes qui respirent un air poussiéreux. De celles qui vous donnent envie d’habiter les régions qu’elles montrent d’une façon assez particulière. Une façon bien à elles qui convoque notre esprit et le pousse à faire le voyage. Et nous voilà investissant ces lignes, ces tracés, de toute notre imagination. Naissent alors toutes ces aventures, ces périples à braver, cet exotisme à découvrir, oui, cet amour à rencontrer ! Eh bien, laissez donc vos espadrilles de cordes et lacez vos baskets : « Cercle » nous fait faire le voyage.

Voir Cercle, c’est être invité à sortir du théâtre. Les billets que l’on reçoit ne peuvent plus être qualifiés d’« entrées » et le génie est déjà là : dans le défi néologique lancé à tout le système administratif nomenclatural des caisses de théâtre. Mieux, ce sont les limites de l’espace théâtral qui sont mises à mal, bousculées, dans une nouvelle cartographie qui nous pousse à prendre l’air. Et que c’est vivifiant ! Nos billets de « sortie » nous emmènent à la rencontre du texte, à la rencontre de l’œuvre. Pas d’inquiétude : les comédiens sont nos guides, le monde notre scène.

Et où allons-nous ? Rencontrer l’espace que nous habitons, se confronter au chaos qui nous entoure, prendre conscience des absurdités qui nous masquent parfois le regard. Oui, la pièce se joue aussi entre réalité et illusion. Car le projet est de faire naître, de la surface plane, tout le relief que celle-ci recèle, tout ce qu’elle possède d’insoupçonné. Faire émerger la rotondité du globe d’une carte aussi plate qu’elle peut l’être. Avec le recours à des performances visuelles et auditives, l’énergie de ses deux acteurs et un dispositif scénique d’une esthéticité toute poétique, Cercle est une performance conduite avec brio. Oui, car je vous l’avoue, on retrouve quand même une scène.

Une scène qui est aussi terrain d’exploration et d’expérience. Tout est remis en question, soumis à l’esprit critique de l’entreprise scientifique. D’ailleurs, quelques grands noms nous accompagnent : Elisée Reclus, Kenneth White ou John Berger. Ces explorateurs du monde et de la pensée nous inspirent au travers de quelques citations. L’aventure est aussi la nôtre : les limites entre le public et les comédiens sont à redessiner. Rassurez-vous, sans aucune gêne. Nos deux guides savent ce qu’ils font et, sans véritablement nous en rendre compte, nous voilà devenus membres de cette création artistique. Nous faisons partie de cette expédition exploratoire.

Bref, Cercle c’est la découverte d’une jungle embrumée, une mission spatiale Apollo : ça embaume, ça décolle et on n’a plus vraiment l’envie d’atterrir.

11 décembre 2016


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