Par Joanne Vaudroz
Adishatz (Adieu) / conception et interprétation de Jonathan Capdevielle / Théâtre les Halles à Sierre / du 17 au 18 novembre 2016 / Plus d’infos
Lentement, d’un pas nonchalant, la mine renfrognée, les traits du visage crispés comme s’il portait le poids du monde sur ses épaules, l’artiste entre en scène et sort un micro de sa poche. Il se met à chanter. « Life is a mystery ; Everyone must stand alone ; I hear you call my name ; And it feels like home ; When you call my name it’s like a little prayer… » Cet air de Madonna (Like a Prayer, 1989) n’est que l’un des nombreux titres de son répertoire. Jonathan Capdevielle se met à nu dans Adishatz (Adieu). Il nous entraîne dans son monde, celui de l’imitation des figures qui ont marqué son adolescence.
Aucun instrument n’accompagne Jonathan, seule sa personne physique et son a capella ambiancent la scène. Le regard méfiant, il semble chercher au fond de son esprit les paroles de ces tubes qu’il aimait imiter dans son adolescence. Dès les premiers airs qu’il chantonne, nous sommes entraînés dans sa sphère intime portée par une voix si claire, si mélodieuse, qui se fait entendre sur quelques refrains de la « reine de la pop », des tubes de Lady Gaga ou encore Daft Punk. Mais voilà que de temps à autre, certaines paroles obscènes s’insèrent dans les interstices de Like a Virgin, La isla Bonita ou encore Hung up. Le timbre de voix change, l’accent sud-ouest français ressort et les hits américains disparaissent, laissant place à une historiette de petit garçon abusé par son père … Quel sens donner à cette perturbation?
La mélodie s’arrête. Changement de décor. L’homme se tourne et s’installe face au miroir de sa commode. C’est alors qu’une conversation téléphonique entre un père et son fils se détache du silence. Le dialogue est plutôt banal entre eux mais la justesse d’une voix âpre à l’accent braillard du père semble peser sur une figure fragile, une voix douce mais timide qui n’est autre que « Jojo ». Le spectateur peut être surpris de percevoir une autre facette de Jonathan. Une facette qui, dans cet intermède, paraît gêner le comédien comme s’il nous confessait une partie de son histoire, de sa vie réelle.
L’homme se lève et se retourne. Il est devenu elle, perchée sur des stilettos dorés. Les traits de son visage ne sont plus tendus, le mal-être du début semble s’être évaporé. La musique recommence mais cette fois le personnage se trouve dans une boîte de nuit. Il s’enivre de chorégraphies et reproduit de nombreux dialogues entre lui et ses amies ainsi que des scènes typiques de la vie nocturne, comme les bagarres à la sortie du club, ou cette fille qui pleure car « son mec est toujours trop bourré ». « Jojo » crée à lui seul une folle ambiance et nous déplorons l’arrivée si rapide de la fin du spectacle.
Si ce soir nous avons dansé, ri et sommes restés parfois étonnés, nous avons surtout ressenti l’énergie déployée par l’acteur qui nous a donné les clefs de lecture de son parcours professionnel. Ce spectacle peint en profondeur l’autoportrait de l’artiste, de sa terre natale (Tarbes) à son activité prolifique au sein des festivals dramaturgiques européens. Songé et travaillé depuis 2007, créé en 2009, Adishatz (Adieu) présente un chanteur, un acteur, un ventriloque, un homme, enfin une femme ou peut-être les deux à la fois. Il nous a surtout emmenés vers un univers personnel composé autour du lyrisme musical, de la construction d’une identité, celle de Jonathan Capdevielle.