Par Kendra Simons
1985…2045 / de Katy Hernan et Barbara Schlitter / par la Compagnie Kajibi Express / du 2 au 20 novembre 2016 / au Petit Théâtre / Plus d’infos
Combinant dialogue avec le public et expérimentation scénique, Katy, Barbara et Valerio font réfléchir les enfants et leurs parents à tout ce qui peut changer en trente ans. Entre 1985 et 2045, on se trouve pris dans une machine à jouer avec le temps, à travers une mise en scène qui fait rire tout le public.
À la sortie, on se surprend à observer les gens dans la rue. Cette dame-là, elle était jeune en quelle année ? Et ce petit garçon, il ressemblera à quoi dans quarante ans ? C’est l’effet post–1985… 2045. Katy Hernan et Barbara Schittler nous poussent à reconstruire – ou à s’imaginer – le décor des trois époques proposées : 1985, quand les parents de la salle étaient des enfants ; 2016 ; et 2045, quand les enfants de la salle seront parents à leur tour.
Les metteurs en scène ont mené une véritable recherche documentaire, en récoltant des impressions d’enfants pendant plusieurs mois, lors d’ateliers au Théâtre Am Stram Gram : « 1985, pour moi, c’est l’époque où il y avait des calèches, des 2CV décapotables et des hommes en chapeau melon » (interview d’Aurélien, 11 ans). On retrouve ces propos d’enfants dans le spectacle, que leurs paroles soient remaniées dans la bouche des acteurs ou rediffusées directement. Pour impliquer les spectateurs, les acteurs n’hésitent pas à s’adresser directement au public. Comme ils le précisent eux-mêmes, c’est un « laboratoire d’expérimentation » où chacun peut participer, qu’il s’agit ici de créer. Et on peut dire que cela fonctionne ! En tout cas du côté des enfants dans le public, qui n’hésitent pas à interagir avec les comédiens.
On sent qu’on est là, quel que soit notre âge, à réfléchir ensemble. Et le temps qui passe, on peut le sentir ? demande Valerio. C’est le pari que veut remporter ce projet. Avec les différents objets de 1985, cassettes, vieux téléphones, machine à écrire, walkman, on ressent le temps qui a passé. Et devant la peur du futur qui envahit par instant tout l’espace scénique, sous la forme d’un vieillard masqué, d’ours polaires à la dérive ou encore de l’obscurité la plus totale, on réfléchit peut-être un peu à son propre futur, ou à celui de l’humanité.
Parce que la compagnie KAJIBI EXPRESS n’en reste pas au dialogue avec le public. Après des moments de questionnements, elle « expérimente » le temps scéniquement, avec par exemple la reconstitution d’une scène des années huitante, quand Katy était ado et avait la tignasse des stars de l’époque.
Ce défi lancé au temps est aussi un défi lancé à l’espace, que la mise en scène relève brillamment : aucune partie du décor n’est laissée pour compte. Les blocs de sagex sont d’abord une construction abstraite, puis des meubles en 1985 et enfin des morceaux d’iceberg flottants sur la grande surface bleue de la plateforme. Ces expérimentations spatio-temporelles sont soutenues par des bandes sonores, entre musiques hallucinatoires qui évoquent le futur et melting-pot de chansons et de bribes d’informations tirées d’enregistrements radiophoniques passés.