Par Thomas Cordova
Unité modèle / de Guillaume Corbeil / Mise en scène de Manon Krüttli / du 14 novembre 2016 au 29 janvier 2017 / POCHE Genève / Plus d’infos
Unité modèle, c’est de la haute couture labélisée Roche-Bobois, du vent en poupe Pop, de la technicolore luminothérapique, du rap français biodégradable et équitable… Un conseil : accrochez-vous la coiffure.
Sur scène, ils sont deux, hauts en couleur, débordant d’une énergie équivalente à toutes ces devantures lumineuses qui seraient à même de nous faire bronzer en novembre (rien de mieux qu’un teint légèrement hâlé pour fêter la naissance d’un homme-Dieu). Des devantures qui nous promettent, pour ce Noël, non pas de quelconques breloques inutilisables (à ces heures où le consumérisme n’est plus du tout à la mode, voyons-donc !) mais bien tout simplement : le bonheur. Et ça tombe bien car nos deux artistes, eux aussi, nous proposent une offre à ne pas manquer : l’achat d’une unité modèle. Et ils nous le garantissent, ce n’est pas n’importe quoi ! Moi, je les crois : qui n’a jamais voulu rêver sa vie ?
Mais qu’est-ce qu’une unité modèle alors ? eh bien, c’est votre vie. Enfin, non. Pas exactement… C’est votre vie mais encastrée dans du bois de grange. Oui, c’est cela ! C’est un appartement. Et Guillaume Corbeil a décidé de travailler là-dessus : sur les nouvelles constructions et la façon dont les agences immobilières nous les vendent. Un projet qui reflète très bien la volonté de l’entreprise Sloop3 du théâtre POCHE : mordre la bien-pensance. Tout est sobrement mis en scène de façon efficace : blanc, épuré, nul besoin de moult artifices, les clichés sont déjà par trop implantés dans nos esprits. Les costumes, l’ambiance musicale et l’énergie des acteurs portent un texte qui fait mouche. Une caricature très actuelle, simplement délicieuse, un monument au présent.
Ce sont donc deux représentants que nous rencontrons. Deux représentants qui vont, sur le fil d’un texte ambitieux, fracasser tous les clichés avec lesquels la publicité nous étouffe tous les jours. Oui, Unité modèle, c’est toutes ces vitrines qui se brisent et c’en est jouissif. Le verre grince, crisse, éclate et la salle rit. On respire, on attrape une bouffée d’air, c’est pour la relâcher aussitôt. Le rire est contagieux, l’oxygène salutaire. Et cette pièce nous en donne à revendre.
Voir Unité modèle, c’est se voir soi, se voir « nous »… Oui, un petit peu, jamais trop, non. C’est surtout comme « ils », les publicitaires, veulent nous voir. Voilà. En tous cas, c’est décoiffant.