Par Jérémy Berthoud
Holes & Hills / de et par Julia Perazzini / Arsenic / du 26 au 30 novembre / Plus d’infos
Comme le disait Démocrite, «tout ce qui existe dans la nature est le fruit du hasard et de la nécessité». Comme le performe Julia Perazzini, chaque vie se forme de trous et de collines, de Holes et de Hills.
Dès la première séquence, les sourires paraissent. Comment ne pas rire en voyant Julia Perazzini jouer en play-back – à grand renfort de mimiques et petits gestes – une actrice anglophone peu finaude lors d’une émission télévisée, dans un petit maillot de bain une pièce et des collants noirs? Et ce n’est que l’un des nombreux personnages que Julia interprète lors de son monologue. Fort différenciés les uns des autres, tous ou presque ont en commun la perruque blonde portée par la comédienne. Tous s’expriment à l’occasion d’interviews. Tous parlent de leur vie et de leurs conceptions du monde avec le plus souvent un accent joliment marqué. La communication n’est pas toujours aisée: des trous s’y invitent sous forme de blancs de texte, d’idées perdues ou de sujets qu’on refuse d’aborder. Ce sont là quelques procédés d’une réflexion centrée autour de la question de l’identité et du rapport au théâtre. Du rapport entre l’autre et moi, celui qui interroge et celui qui est interrogé, de la dualité des choses et des êtres, des Holes et des Hills.
Plus les personnages défilent, tantôt en dansant, tantôt en déambulant calmement, moins le rire se fait entendre. Les gags se font plus rares. La perruque blonde se troque contre une cotte de maille pour la tête, lourde. On tombe, «empalé… empalé». Puis on dégrafe la cotte de maille et on en fait une coiffe, on transforme le métal guerrier en objet esthétique, comme on transformerait une tristesse pesante en une joie qui a connu la peine. On chante, on enfile des talons hauts – très hauts – et on remonte la pente, on recommence à rire, à s’interroger, à «faire l’amour avec la vie», avec tout le tantrisme que cela implique, sans oublier les trous qui nous attendent.
Le décor, simple, contraste avec le jeu riche et varié: trois sculptures informes à la couleur indiscernable, entre le noir, le gris et le blanc, agrémentées de deux arbustes et d’une caisse de chantier jaune. Trois structures bâties d’après le précepte de Démocrite: «tout ce qui existe dans la nature est le fruit du hasard et de la nécessité». Comme l’explique l’un des personnages, la nature donne quelques contraintes sur la construction globale d’un élément et laisse au hasard le soin de combler le reste. Un peu «comme flocons de neige». Un peu comme l’humain: à partir d’un canevas, on obtient des milliards de vies possibles, des combinaisons infinies de Holes et de Hills.