Par Jonathan Hofer
Le Chant du cygne / d’Anton Tchekhov / mise en scène Robert Bouvier / Théâtre du Passage / du 2 au 6 novembre / Plus d’infos
La création de Robert Bouvier et de la Compagnie du Passage est une tempête. Un fracas entre ténèbres et lumière, le choc de la jeunesse et de la vieillesse, du silence et du vacarme.
Le Chant du cygne de Tchekhov ne comprend que deux personnages : le vieux comédien Vassili Vassiliévitch Svetlovidov et le souffleur Nikita Ivanytch. Quand le comédien se réveille, pas tout à fait sobre, enfermé dans le théâtre, il se lance dans une réflexion sur son métier, sur son amour, sur le public, sur le texte. Tandis que le personnage de Svetlovidov s’éveille face à l’angoisse du vent qui s’infiltre dans le théâtre plongé dans l’obscurité, le spectateur lui aussi s’éveille progressivement devant la tempête qui se prépare sur le plateau.
La réussite du spectacle tient au mélange des extrêmes. La lumière s’emploie subtilement – tantôt forte, tantôt douce ; tantôt ciblée, tantôt diffuse – à guider le spectateur vers des points de vue différents. De même, entre présence et absence, la musique et la scénographie comblent tour à tour un vide ou le laissent parler. On se retrouve tout à coup hors de la pièce initiale, dans un dialogue entre les comédiens Roger Jendly et Adrien Gygax sur le plateau. Les deux niveaux de fictions permutent constamment : entre Tchekhov et les acteurs, le spectateur voyage dans la vie du comédien – propre ou inventée.
Les acteurs livrent une performance impressionnante de justesse. Ils rendent un hommage bouleversant de sincérité au monde de la scène. La collaboration d’Adrien Gygax et de Roger Jendly donne à voir les difficultés d’un jeune acteur à faire naître son personnage et le texte à la scène. Des anecdotes aussi comiques que légères font sourire aussi bien les plus aguerris que les plus novices en matière de théâtre. Si le chant du cygne marque habituellement la fin, il marque ici le début : la transmission d’une carrière prodigieuse vers la jeune génération. Découvrez ou redécouvrez ce spectacle, laissez-vous transporter par cette création où tout le monde fera – selon la formule très chère à Roger Jendly – du théâtre comme un enfant qui s’amuse.