Par Alicia Cuche
Histoire d’un merle blanc / d’Alfred de Musset / mise en scène d’Anne Bourgeois / Théâtre Equilibre Nuithonie, Fribourg / du 16 au 19 novembre 2016 / Plus d’infos
Avec Histoire d’un merle blanc, une adaptation scénique de la nouvelle d’Alfred de Musset, Anne Bourgeois et Stéphanie Tesson nous amènent à reconsidérer nos propres déceptions dans notre quête identitaire. Car qui ne s’est jamais senti « merle blanc » dans un monde de merles noirs ?
Une silhouette vêtue tout de blanc, à l’air dépité, tourne, tourne, tourne en un grand cercle, à petits pas pressés. Des plumes, blanches, s’égarent sur le sol noir de la Petite Salle de Nuithonie. Elles parsèment peu à peu l’histoire malheureuse et tourmentée qui nous est contée là. Contée, oui, car de même qu’Alfred de Musset tira le théâtre au salon, rédigeant des pièces à lire et non à jouer, de même le spectacle de la metteuse en scène Anne Bourgeois adapte la nouvelle Histoire d’un merle blanc pour la scène. La transition du conte vers la pièce de théâtre est réussie. Stéphanie Tesson, à la fois actrice et conteuse, endosse l’histoire avec tous les rôles qui la composent. Grâce à son jeu et à sa plasticité étonnante, nous voyons apparaître le merlichon malheureux, les grives grivoises, le cacatoès imbu de sa gloire, le pigeon hautain, la pie jacasseuse. Tout un monde se réunit dans la seule personne de Stéphanie Tesson.
Le parti pris scénique d’Anne Bourgeois est de se contenter du minimum : une actrice, un habit, un tabouret et c’est tout. L’actrice interprète tous les rôles, le tabouret sert à la fois de branche, de gouttière, de perchoir ou de volant de voiture. Seule la lumière se démultiplie en plusieurs éclairages. Tantôt violente, tantôt spot, tantôt mystérieuse et parfois un patchwork d’ombres pour figurer une forêt, la lumière habille l’histoire, lui donne le ton, voire le lieu. Grâce au dépouillement extrême de la scène, l’histoire peut prendre toute la place.
Devant la multiplicité des personnages, on se remémore les comédies de caractères de Molière : toute la société de Musset s’expose aux rires et à la compassion des spectateurs. Particulièrement l’épouse inespérée de notre Merle Blanc, une merlette anglaise, une femme de lettres, qui se révèle moins exceptionnelle qu’attendue. George Sand en prend pour son grade.
Loin d’en être à son coup d’essai (elle travaille en tant que metteuse en scène depuis 1989), Anne Bourgeois nous livre avec Histoire d’un merle blanc une belle histoire et une réflexion sur nos propres déceptions dans la longue aventure qu’est le « connais-toi toi-même » de Socrate, si justement évoqué par Musset.
Histoire d’un merle blanc est à voir du 16 au 19 novembre 2016 au théâtre Nuithonie à Villars-sur-Glâne. Un bord de scène est organisé à l’issu de la représentation du vendredi soir.