Aller-retrour

Par Valmir Rexhepi

Landru / Mise en scène de Yoann Pencolé – Cie Zusvex / Théâtre des Marionnettes de Genève / du 4 au 13 novembre 2016 / Plus d’infos

© Diana Gandra
© Diana Gandra

D’une cour de justice au début du XXe siècle aux planches du Théâtre des Marionnettes de Genève aujourd’hui, le procès de Henri Désiré Landru conserve ses aspects spectaculaires et mystérieux.  Mesdames et messieurs les jurés, voici les faits :

Il a une tête immense, Landru, qui attire les regards, les piège. Et puis c’est tout, Landru est une tête, juste une tête sculptée. Historiquement, c’est un criminel français célèbre accusé des meurtres de plusieurs femmes et dont le procès, au sortir de la Première Guerre mondiale, eut un écho retentissant dans la presse de l’époque. Il est là, face à nous, sur son socle, une main de marionnettiste dans le crâne, à l’arrière, qui lui ouvre les paupières, une autre qui lui active la mâchoire. Une voix, la sienne, qu’un autre lui prête, caverneuse. Devant nous va se jouer son procès, entrecoupé de retours sur l’enquête qui permit son arrestation.

La création de la Compagnie Zusvex, grâce à un dispositif scénique simple et maîtrisé, parvient à nous faire revivre l’ambiance spectaculaire de ce procès, où chaque partie cherche l’assentiment du public. Un voile noir translucide, presque diaphane, divise l’espace scénique en deux dans sa largeur, servant à la fois de support de projection, de cloison qui laisse apparaitre l’intérieur d’une chambre, ou encore de mur d’un tribunal ; une vieille radio qui émet les voix de la foule venue assister au procès ; un éclairage tout en subtilité, tamisé, donne à l’ensemble la tonalité de ces tableaux clair-obscur  du XIVe et XVe siècle : les traits sont soulignés sans pour autant atteindre l’évidence, la certitude. Un procureur sans tête expose les éléments de l’accusation : tout indique que Landru est coupable, mais il manque les corps des victimes, preuves ultimes.

Doucement, de la fumée sort d’un poêle. Blanche, sans consistance, elle s’élève : une de ses victimes ? C’est l’heure des hypothèses du commissaire. Ce dernier s’exprime au bout du bras d’un comédien, comme d’ailleurs les différents aliénistes et autres psychologues chargés d’étudier le cas de Landru ou encore la maîtresse de Landru. Les personnages de l’histoire, construits par métonymie, sont comme Landru, des têtes sculptées. Les marionnettistes les meuvent et parfois commentent les faits : c’est alors un aller-retour entre l’histoire qui se joue grâce aux marionnettes et l’histoire qui se raconte grâce aux comédiens narrateurs.

Le procès s’achève : qu’on lui coupe la tête ! Une projection d’ombres chinoises sur le voile noir présente une foule aux visages de rats qui cerne un visage carré, la bouche ronde et la mèche de biais. Guillotine.