Par Valmir Rexhepi
Velours avoine / De Noémie Griess / le Saltimbanque / Fête du Théâtre de Genève / 14.10.2016
Chanter le travail, sa recherche, les désillusions qui l’accompagnent : le projet se donne dans le charme exigu et intime du Saltimbanque, sur des airs disco-futuristes des années huitante.
Ça commence doucement, le velours rouge des rideaux laisse apparaître une tête, celle du régisseur qui nous souhaite la bienvenue. Ouverture : sur un écran une astronaute dont la voix synthétisée lie sa présence à la scène. C’est une vidéo. Cette personne projetée sur l’écran est, par la voix, un personnage. En chair et en os, et en costume d’ours, quelqu’un commence à chanter. Les deux êtres vont s’accompagner souvent, se quitter parfois. D’emblée un jeu qui se construit sur les codes de l’opéra : chanter ce qu’on l’on veut dire, dire en chantant. Noémie Griess (le quelqu’un dans l’ours) s’y attèle avec énergie, elle ne tient pas en place, ou rarement. Elle troquera son costume pour un peignoir, une robe ; mais ce sera toujours elle, qui ne semble jouer personne hormis elle-même.
L’horizon du travail, comme moteur des actions sur scène mais aussi comme limite, tient l’ensemble. À l’opéra s’ajoute quelque chose qui ressemble alors à un blues d’aujourd’hui. Un blues qui ne se fait pas au travail, mais en prévision, en amont. Pourtant, le ton ne se veut pas triste, plutôt drôle ; comme une dérision conjuratoire. Noémie cherche un emploi, elle le chante, elle nous le dit ; le thème est désespérément actuel, le jeu délicieusement gauche, amoureusement taquin. Par-là se fait sentir que l’essentiel est ailleurs, que le rapport au travail ne doit pas éclipser le reste.
Le reste ? Il y a ce moment durant lequel elle nous distribue ce que je croyais être des cartes de visite, comme si on pouvait y faire quelque chose, nous, pour sa recherche d’emploi. À la fin, lorsque la lumière revient, je lis sur la carte un message : « l’amour est un terrifiant privilège ». Je souris.