Emulsion verdienne à la sauce moléculaire

Par Alice Moraz

Bouffons de l’opéra / de et mis en scène par Benjamin Knobil / Café–restaurant l’Alhambar à Genève / 15 octobre 2016

©Alice Moraz
©Alice Moraz

Le metteur en scène franco-américain Benjamin Knobil présente au cœur du café-restaurant l’Alhambar, un vaudeville inspiré de La Traviata de Verdi : une opérette moderne et pleine de saveurs qui parle cuisine et amour. 

Plus universel que l’amour ? Plus tragique que les querelles de familles ? Impossible. Et pourtant, les quatre comédiens de Bouffons de l’opéra nous servent (presque sur assiette) une version remixée de l’histoire de Violetta, l’héroïne atteinte de tuberculose dans l’opéra de Verdi. Ici, un mal bien plus actuel touche la jeune première : la maladie de Kreuztfeld Jacob, dite aussi maladie de la vache folle.

Elle, Violetta (Aude Gillieron), cuisinière et propriétaire d’un restaurant bio et moléculaire, a fait de la nourriture saine son combat. Lui, Alfredo (Simon Bonvin), fils de l’industriel Lèselé est héritier de la multinationale familiale. Entre les deux ? Le coup de foudre. Mais c’est sans compter le père, Germont Lèselé (Benjamin Knobil), pour qui produits industriels et cuisine bio forment à coup sûr un mélange explosif. Entre les trois, Gaston : chef musical, compositeur et entremetteur. Si la trame est reconnaissable, l’échappée est autant gustative que narrative.

Cette opérette se joue généralement dans les salles à manger ou les bars des théâtres qui l’accueillent : ce jour-là, l’espace vitré d’un bar genevois dans le cadre de la Fête du Théâtre de Genève. Lee Maddeford, le compositeur et pianiste, ciselle les notes de manière pétillante, déstructurée ou douce-amère. Ses mélodies oscillent entre le jazzy et le mélancolique, le tout remis au goût du jour avec l’incorporation de paroles en anglais par les comédiens. On saluera d’ailleurs la qualité vocale de ces derniers. Un habile travail de la langue et des mots ainsi qu’une métaphore culinaire filée durant tout le spectacle finissent de nous mettre l’eau à la bouche. La fin sera tragique. Car comme le dit Germont Lèselé : « Qu’importe le goût, le progrès a un coût ». Cependant, plus important encore que l’issue du spectacle, c’est une question actuelle qui se cuisine en filigrane. Cette adaptation nous fait réfléchir à nos habitudes alimentaires et à l’uniformisation des goûts prônée par les industriels de la branche.

Au menu, un moment musical et théâtral tout en légèreté malgré le drame de la situation.