Taxi-Dancers
De et par Marie-Caroline Hominal / Théâtre de Vidy / du 20 au 29 mai 2016 / Critiques par Elisa Picci et Amandine Rosset.
20 mai 2016
Par Elisa Picci
Sensualité chorégraphiée
Marie-Caroline Hominal ressuscite une pratique datant des années 1920-1930 : celle des Taxi-Dancers, soit des femmes qui, en échange d’un peu d’argent, devenaient la cavalière d’un homme le temps d’une danse. Le spectateur se retrouve plongé dans une ambiance intimiste, où les corps se touchent et s’enlacent le temps d’une chanson.
Marie-Caroline Hominal, Ivan Blagajcevic, et Teresa Vitucci, danseurs de formation, jouent les Taxi-Dancers sur la scène du Théâtre de Vidy. Ces derniers se retrouvent au Dreamland, un célèbre club ou un Taxi-Dance Hall, comme on appelle communément ce genre d’endroit, qui a fermé pour des raisons obscures. Les trois personnages réunis en ce lieu abandonné se remémorent avec nostalgie les moments passés en compagnie des clients.
La scénographie ne rappelle en rien un club dansant des années folles. Ni l’ambiance générale du spectacle d’ailleurs. Des panneaux blancs sont disposés en cercle sur la scène, accompagnés de blocs blancs que les danseurs utilisent pour s’asseoir. Un miroir et, côté cour, un support avec un ordinateur pour changer la musique. Le spectateur se retrouve dans un espace indéfinissable et intemporel, qui a le mérite de faire ressentir une sensation d’intimité. Les lumières tamisées se couplent parfaitement avec les éléments très blancs de la scénographie pour créer une ambiance romantique. C’est par cette sensualité ambiante que l’on retrouve peut-être une bribe de ce que pouvait être ce Dreamland.
Talons hauts pour tous et perruque blonde pour Ivan Blagajcevic, travesti. Les costumes des trois danseurs contrastent avec les couleurs présentes sur scène. Entièrement vêtus de noir, ils semblent porter le deuil de leur ancien travail. Le répertoire musical est assez varié, passant de Gainsbourg à des musiques beaucoup plus électriques. Se déploient sur ces différents rythmes des situations ou des sensations relatives au vécu des trois Taxi-Dancers ; parfois pesantes, comme les longs moments où les Taxis-Dancers attendent désespérément, comme éteints, que quelqu’un vienne leur demander leurs services. On ressent aussi l’importance du contact humain, des corps à corps qui se créent le temps d’une danse. Cela s’exprime de diverses manières, soit par des slows très lents effectués entre deux Taxi-Dancers, dont les mains insistantes se promènent sur le corps de l’autre, ou encore lorsque l’un d’eux sert fortement dans ses bras un des spectateurs assis au premier rang. L’amour de la danse est aussi mis en avant, dans des parties beaucoup plus chorégraphiées. On apprécie la façon dont Marie-Caroline Hominal met en scène cette mode des années folles, sachant faire ressortir à la fois la détresse et la sensualité qui émane de cette pratique. Sans parole ni dispositif vidéo, c’est uniquement par le biais de la danse qu’elle fait parvenir efficacement un ensemble d’émotions aux spectateurs, et qu’elle leur raconte une histoire. À découvrir jusqu’au 29 mai au Théâtre de Vidy !
20 mai 2016
Par Elisa Picci
20 mai 2016
Par Amandine Rosset
Rencontres par le toucher
Marie-Caroline Hominal nous fait découvrir en ce moment au Théâtre de Vidy les « Taxi-Dancers », très à la mode dans les années folles. Le spectacle, interprété avec lenteur et profondeur, raconte la reviviscence par trois jeunes femmes nostalgiques des moments forts vécus dans un club désormais déchu, au travers de danses variées et de touchers évocateurs.
Le décor est vide, seul un miroir rappelle le passé du club. Trois jeunes femmes, dont l’une est jouée par un homme coiffé d’une perruque, attendent, inertes, de pouvoir travailler comme elles le faisaient au moment où ce lieu vivait sa période de gloire. Leur métier ? Elles étaient Taxi-dancers, un gagne-pain apparu dans les années 1920 en Amérique et qui consistait à louer ses bras et sa compagnie le temps d’une danse. Le lieu dans lequel se déroule le ballet est fermé, mais les danseuses sont encore là à attendre patiemment qu’on leur demande de danser.
Le ballet se déroule sans paroles et au travers de mouvements lents. Le corps des jeunes femmes est bien présent, mais elles sont plongées dans leurs souvenirs. Elles vont d’ailleurs patienter en les recréant et en les réinterprétant entre elles. À l’occasion de ce voyage dans le passé, Marie-Caroline Hominal et ses deux partenaires vont visiter tous les touchers possibles entre deux danseurs et une grande variété de danses. Dommage pourtant que les spectateurs ne soient pas totalement plongés dans l’univers des années folles, à cause de la musique postérieure qui passe par exemple par Gainsbourg et même par un moment de techno très défoulant pour les interprètes.
Le jeu des regards est important dans l’interprétation des danseurs et donne un côté intense à ce qu’il se passe. Les trois interprètes gardent ce regard grave en toutes circonstances, que ce soit en se rappelant de moments joyeux, comme l’anniversaire de l’une des danseuses, ou à des moments plus négatifs, comme lorsqu’elles évoquent ces clients qui pensaient avoir droit à plus qu’une simple danse et tenaient de profiter de la proximité.
Le fil conducteur de ce ballet est cependant plutôt flou et peu compréhensible pour les spectateurs. Il est en effet difficile de toujours comprendre réellement ce qu’il se passe entre les trois protagonistes et de suivre la succession de souvenirs qu’ils interprètent. Vous pourrez toutefois, jusqu’au 29 mai, découvrir et observer ces partenaires de danse professionnelles et mélancoliques.
20 mai 2016
Par Amandine Rosset