Igor ne parle pas mais dit

Par Sabrina Roh

Le dit d’Igor Cierda / par la compagnie eohem / Petithéâtre / du 8 au 16 avril 2016 / plus d’infos

©DR
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La musique, la musique « contre » la danse, la danse sans la musique, la danse avec la musique. Des tableaux. Les tableaux d’une vie. La vie d’Igor.

Les percussions ouvrent le bal. Dans le fond, la danseuse, à moitié dans l’obscurité, reste immobile. C’est que la musique crée une atmosphère un peu inquiétante. Cependant, quelques chaleureux accents orientaux se font déjà entendre. Puis les cordes s’éveillent doucement, serpentant entre les coups donnés sur les peaux tendues. À l’image de l’archet qui caresse le violoncelle, la danse s’immisce dans ce monde fait de notes. Ou est-ce la musique qui fait naître la danse ?

Bien qu’en mouvement, la danseuse semble prise au piège par les trois musiciens. Des Parques ? Elle veut s’échapper. Elle reste pourtant au centre de la scène. Ce n’est pas les musiciens qu’elle veut fuir. C’est impossible, ils sont là, on n’y peut rien. On ne peut rien (ou presque) contre son destin. C’est à son propre corps qu’elle tente d’échapper : spasmes au son des percussions.

Mais alors que le fil de la vie semble avoir été coupé, que la danseuse, qu’Igor s’écroule, c’est au son du silence que la sève remonte lentement dans les branches. Les jambes d’abord, puis tout le corps. « L’écorce de nos songes amers ». Il a fallu s’envelopper dans cette carcasse, s’en débarrasser pour enfin profiter de ce qui se cache en-dessous. La douceur. Il n’y a pas de bonheur sans malheur.
Un contact s’établit alors. Une rencontre après la lutte entre la danseuse et les musiciens, entre Igor et les Parques, entre l’Homme et la vie.

La compagnie eohem, fondée en 2014, crée un dialogue entre les arts. Entre la musique et la danse surtout, avec les mots, un peu. Avec des gestes et des notes, elle dit. Elle dit en dessinant dans l’espace. Dans Le dit d’Igor Cierda, Igor a dit sans parler. Alors, quand la représentation est finie, il reste, au-dessus des planches, semblables à des volutes de fumée, les traces du chemin parcouru par Igor, qui est aussi le nôtre.