Par Sabrina Roh
Du vent… des fantômes / d’Eve Bonfanti et Yves Hunstad / TKM / du 9 au 14 février 2016 / plus d’infos
Avec le deuxième volet de La Trilogie sur le théâtre, Eve Bonfanti et Yves Hunstad continuent leur voyage dans les abîmes du théâtre. Alors que l’on se demandait dans La Tragédie comique, pourquoi venir au théâtre et pourquoi en faire, ce sont les prémices d’une pièce qui sont dévoilées dans Du vent… des fantômes. Tout ce qui se passe en amont de la représentation mais qui n’est jamais montré. Les fondateurs de la compagnie La Fabrique Imaginaire se jettent à l’eau et nous ouvrent grand la porte des coulisses, créant ainsi l’attente délicieuse du début d’un spectacle, qui durera finalement tout le temps de la représentation.
Dans Du vent… des fantômes, il est difficile de déterminer où commence et se termine l’illusion théâtrale. C’est d’ailleurs cette interrogation qui se trouve au fondement de la pièce d’Eve Bonfanti et d’Yves Hunstad. Pour qu’il y ait illusion, suffit-il de convoquer les fantômes du théâtre, tous ces auteurs et personnages que l’on s’amuse encore et toujours à faire revivre sur les planches ? Il semble cependant, pour les comédiens, qu’une scène donnant à voir deux individus prenant un café et ce, « le temps d’un café », serait déjà du théâtre.
Le public ! Oui, c’est sûrement ça, la clé ! Mais là encore, cette question fait débat : la répétition d’une pièce dans une salle dénuée de spectateurs ne serait pas du théâtre ? Dans Du vent… des fantômes, La Fabrique Imaginaire expérimente directement cette interrogation en conférant au public un rôle très flou : spectateur, acteur ? Il ne sait plus très bien où est sa place. Et d’ailleurs, à quoi assiste-t-il ? Car en nous donnant à voir la préparation d’une pièce, les deux comédiens jouent à ne pas jouer et parfois même jouent le fait qu’ils jouent. Mais jouent-ils vraiment ? Il semble que même entre eux règne une confusion. Mais cette confusion est-elle aussi jouée ? Et… STOP ! On se perd dans les mécanismes de l’illusion.
Bien heureusement, au moment où la panique envahit le spectateur et juste avant qu’il ne s’écrie « je n’ai rien compris », Yves et Eve (ou leurs personnages) explicitent avec un humour décapant les difficultés que l’on peut rencontrer dans ces envolées presque métaphysiques. Le rire est alors le point d’ancrage, ce qui nous permet de revenir sur terre. Ou sur scène, puisqu’on ne sait plus trop ce qui les sépare l’une de l’autre.
Qu’est-ce qu’il faut pour créer l’illusion ? Peut-être ne faut-il pas chercher à y répondre et laisser la magie opérer. Car si mardi soir au TKM « on a coupé Shakespeare », que le sujet de la pièce restait encore à déterminer et que le public n’en était pas tout à fait un, c’est bien un spectacle qui a eu lieu. Un spectacle aussi poétique qu’humoristique qui, sans jamais avoir l’air de commencer, nous pousse à espérer qu’il ne se terminera jamais.