Tristesse animal noir

Tristesse animal noir

D’Anja Hilling / mise en scène Collectif Sur un Malentendu / L’Arsenic / du 23 au 29 novembre 2015 / Critiques par Amandine Rosset et Valmir Rexhepi.


23 novembre 2015

Un cauchemar à la belle étoile

© Nicolas Di Meo

Lundi, les six jeunes comédiens du Collectif Sur un Malentendu présentaient Tristesse animal noir, une histoire vraisemblable, dramatique et emprunte d’ironie et de folie qui pose la question du deuil et du choc post-traumatique. La pièce parle de l’expérience d’un groupe d’amis avant, pendant et après le drame qui changera leur vie.

Plus qu’une pièce de théâtre, c’est à un véritable roman auquel le public a assisté pour la première de Tristesse animal noir. En effet, durant les deux heures de représentation, les spectateurs sont comme plongés dans un livre, notamment grâce à une voix off qui au début contextualise l’histoire dans le noir et qui durant la suite de la pièce décrit les personnages et leurs mouvements. L’histoire commence bien. Un groupe de six personnes ainsi qu’un bébé partent de la ville en minibus pour aller respirer le grand air de la forêt à l’occasion d’une nuit à la belle étoile. Cette forêt est le décor central de la pièce. Des troncs, des feuilles ainsi que de la mousse au sol et des bruits d’animaux plongent les spectateurs dans la sérénité de cet espace naturel. Les personnages sont liés par l’amour, l’amitié ou la fraternité. Cette soirée est pour eux l’occasion de se rencontrer mais aussi pour certains l’occasion de faire certaines révélations. La conversation est celle de jeunes trentenaires. Ils parlent de travail, d’amour, de tabagisme, de la mort.

La nuit tombe, les yeux se ferment et le noir s’installe dans la salle. Les personnages vont alors vivre un cauchemar. Le public ne distingue que des ombres mais vit la catastrophe seconde après seconde au travers de cris et de voix venant de tous les côtés. Les protagonistes racontent les uns après les autres leur version du drame, toujours dans la nuit. Puis, le jour revient et avec lui la convalescence, la folie pour certain. Toutes les étapes du deuil sont personnifiées grâce aux diverses réactions des survivants. La culpabilité aussi est très présente. Comment vivre avec ce sentiment ? C’est la question qui reste dans leur tête à tous. Dans une ambiance très sereine et un décor blanc, les personnages se retrouvent et tentent de reprendre leur vie, mais tout a changé.

Malgré des petits couacs dus certainement au stress de la première, cette pièce, très réaliste, est lente à digérer, preuve étant le silence qui règne dans la salle une fois les comédiens sortis de scène. Le public reste muet, encore sous le choc, ne sachant pas quoi penser et avec des images plein la tête. La mise en scène joue avec l’imagination des spectateurs qui, plongés dans le noir, se font leur propre idée de l’action qui leur est décrite. Tristesse animal noir est à voir jusqu’au 29 novembre 2015 à l’Arsenic.

23 novembre 2015


23 novembre 2015

Théâtre ardent

© Nicolas Di Meo

Six personnages vont passer par les flammes, certains vont en ressortir, carbonisés au-dedans comme au-dehors.

Six comédiens se partagent la scène pour nous livrer une pièce au titre énigmatique dont on n’essayera pas de percer le mystère : Tristesse animal noir, composée par Anja Hilling, en allemand, puis traduite en français avec le concours de Silvia Berutti-Ronelt en collaboration avec Jean-Claude Berutti. Au milieu de la scène a poussé une forêt. C’est ici que le drame va se jouer, dans la lumière crépusculaire s’échappant des braises d’un barbecue. Trois couples se trouvent là pour partager viandes, bières, vins, questions, discussions. Un des couples a un bébé. La banalité de l’ambiance est encore soulignée par la présence d’une voix off d’une platitude robotique qui jongle entre didascalies et descriptions narratives.

Et puis tout le monde s’endort, noir. Mais voici que des crépitements se font entendre, les craquements du bois qui brûle. Le crépitement devient vrombissement sourd, une vapeur s’élève et nous lèche le visage. Noir, ça brûle dans le noir. La voix off est partie en fumée ; désormais les personnages, de part et d’autre de la colline où sont cachés les spectateurs, annoncent dans des cris déchirés par la panique ce qui se passe à l’ombre des flammes. Ce sont des voix on, investies par la peur, la douleur. Un bruit de semelles sur le sol semé de cendres se mêle aux cris : quelqu’un avance dans le noir du brasier. On voit un peu du drame, par étincelles ; dans le feu, trois corps ont fusionné. Le feu s’endort, lumière.

Le drame ne s’éteint pas avec le feu. Après la fusion des corps, voici la fission des relations. Des couples de départ il ne reste rien, carbonisé. Les personnages encore vivants ne communiquent que par la médiation de deux micros, par des paroles qui partent en volutes. On attend peut-être un sauvetage, une stabilisation, un retour à la normale. Mais l’épreuve du feu, telle ces ordalies médiévales, aura raison de tout : innocent, coupable, qu’importe. On est brûlé.

23 novembre 2015


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