Où est Jack ?

Par Léa Giotto

Je m’appelle Jack / de Sandra Korol / par la Cie Face Public / Mise en scène Michel Toman / Le Petit Théâtre / du 28 octobre au 15 novembre 2015 / plus d’infos

©Philippe Pache
©Philippe Pache

Explorer l’écart entre qui l’on croit être, qui les autres pensent que nous sommes et qui l’on est vraiment. Voici le projet ambitieux initié par l’auteure Sandra Korol avec Je m’appelle Jack, une pièce autour de la question délicate des identités de genre et conseillée dès 7 ans.

Elie a enfin perdu sa dernière dent de lait. Dans son monde, c’est l’événement le plus important d’une vie. C’est le jour où l’on quitte l’enfance pour se confronter à qui l’on est vraiment. Ce passage tant attendu et tant redouté s’effectue par la confrontation au Grand Miroir de la Destinée, lequel nous dit notre vérité vraie devant tout le monde. Élie est terrifiée car elle sent bien que sa vérité profonde n’est pas « rose facile » comme celle de son insouciante amie Shakira. Tous tentent de la rassurer. Cependant, face à la vérité d’Elie, ils doivent bien se rendre à l’évidence : il y a un problème.

Au travers de conversations truffées de métaphores ambitieuses avec un robot supposé incarner une voix raisonnable, Elie partage également sa détresse avec le spectateur. Va-t-elle, à l’issue du délai d’un mois qui lui est accordé, accepter la vérité qui lui est imposée par le Miroir? Miroir, dont on doute de plus en plus du reflet. Est-ce réellement la vérité vraie qui s’y réverbère, ou plutôt celle que la société attend ? Elie a de plus en plus peur, car elle risque, si elle refuse cette vérité, d’envoyer sa famille errer aux confins glacés de l’univers.

À l’aide d’une scénographie impressionnante, articulée autour de jeux de lumière très travaillés et d’un accompagnement sonore puissant fait de voix métalliques, on cherche à entraîner le spectateur dans les noirceurs du questionnement de soi. Et il est bien ici question de noirceur, car il semble impossible d’ignorer l’aspect effrayant créé par cette mise en scène destinée à de jeunes enfants.

Quant à ce Jack qui donne son titre au spectacle, qui est il ? Et surtout, où est-il ? Il semble présent tout au long des réflexions d’Elie sous forme d’une ombre de moins en moins vacillante, mais il faut attendre la fin de la pièce pour enfin lever le voile sur ce personnage mystérieux.

Si le projet est de mener une réflexion sur le questionnement de soi, particulièrement autour de la question du genre, et d’initier le jeune public à la thématique du conflit intérieur, on ne peut s’empêcher de souligner que de présenter cela sous un aspect aussi angoissant et peu clair risque de faire obstacle. Car si Elie, envers et contre tout, choisit sa vérité propre et que la difficulté et la bravoure de son combat sont très bien illustrées, le spectateur, jeune ou moins jeune, ressort plein d’interrogations, moins sur le propos de la pièce que sur la pièce elle-même.