Par Valmir Rexhepi
Tristesse animal noir / D’Anja Hilling / mise en scène Collectif Sur un Malentendu / L’Arsenic / du 23 au 29 novembre 2015 / plus d’infos
Six personnages vont passer par les flammes, certains vont en ressortir, carbonisés au-dedans comme au-dehors.
Six comédiens se partagent la scène pour nous livrer une pièce au titre énigmatique dont on n’essayera pas de percer le mystère : Tristesse animal noir, composée par Anja Hilling, en allemand, puis traduite en français avec le concours de Silvia Berutti-Ronelt en collaboration avec Jean-Claude Berutti. Au milieu de la scène a poussé une forêt. C’est ici que le drame va se jouer, dans la lumière crépusculaire s’échappant des braises d’un barbecue. Trois couples se trouvent là pour partager viandes, bières, vins, questions, discussions. Un des couples a un bébé. La banalité de l’ambiance est encore soulignée par la présence d’une voix off d’une platitude robotique qui jongle entre didascalies et descriptions narratives.
Et puis tout le monde s’endort, noir. Mais voici que des crépitements se font entendre, les craquements du bois qui brûle. Le crépitement devient vrombissement sourd, une vapeur s’élève et nous lèche le visage. Noir, ça brûle dans le noir. La voix off est partie en fumée ; désormais les personnages, de part et d’autre de la colline où sont cachés les spectateurs, annoncent dans des cris déchirés par la panique ce qui se passe à l’ombre des flammes. Ce sont des voix on, investies par la peur, la douleur. Un bruit de semelles sur le sol semé de cendres se mêle aux cris : quelqu’un avance dans le noir du brasier. On voit un peu du drame, par étincelles ; dans le feu, trois corps ont fusionné. Le feu s’endort, lumière.
Le drame ne s’éteint pas avec le feu. Après la fusion des corps, voici la fission des relations. Des couples de départ il ne reste rien, carbonisé. Les personnages encore vivants ne communiquent que par la médiation de deux micros, par des paroles qui partent en volutes. On attend peut-être un sauvetage, une stabilisation, un retour à la normale. Mais l’épreuve du feu, telle ces ordalies médiévales, aura raison de tout : innocent, coupable, qu’importe. On est brûlé.