Par Jonathan Hofer
Sound of Music / mise en scène Yan Duyvendak / Théâtre de Vidy / du 27 au 31 octobre 2015 / plus d’infos
Et si nous parlions de la fin ? Celle du spectacle ? Non, la vôtre, la mienne : la fin de l’Homme. Ah non ! pas un mardi soir après huit heure de travail. Et si je vous la chante ? Alors là, ça change tout !
Yan Duyvendak signe, dans sa dernière création, une comédie musicale façon Broadway tout à fait saisissant. Avec l’aide de Christophe Fiat, Olivier Dubois et Andrea Cera – pour le texte, la chorégraphie et la musique – le néerlandais aborde tous les sujets : guerre, climat, propriété intellectuelle, suicide, … Un spectacle engagé éclatant, interprété par de jeunes artistes fringants.
Toute la virtuosité du spectacle se situe dans cette tension : évoquer le drame humain dans une comédie musicale. Une comédie musicale, c’est léger, ça en met plein la vue, ça fait rêver… Alors, quand cette forme se prête au discours engagé, c’est un malaise grandissant qui s’installe chez le spectateur. Faut-il rire ou pleurer ? Les thèmes sont de plus en plus violents alors que la scène scintille – les acteurs changent par petits groupes de vêtements jusqu’à ce que tous soient vêtus d’habits dorés. Même la musique participe de cette tension en cassant inlassablement, dans chaque chanson, toutes les parties mélodieuses. Chacun de ces éléments prépare l’apothéose d’une scène finale à couper le souffle.
A la sortie du théâtre, le soir de la première, deux femmes parlaient du spectacle. Pour l’une, il avait trop duré, alors que l’autre se plaignait d’une expérience trop courte. Mon sentiment les rejoint toutes les deux : après une première partie vécue comme affreusement longue, je sors du théâtre sur ma faim : j’en aurais demandé encore. Car si la gradation dans la performance s’avère remarquable, étrangement, le rythme peine d’abord à accrocher le spectateur. Les premières chorégraphies sont très lentes et la scénographie manque de folie, de cette petite touche de rêve qui fait de la comédie musicale une expérience hors du commun. Le secret du genre, c’est d’entraîner le spectateur. De l’amener sans cesse vers des lieux nouveaux sans jamais lui lâcher la main. Alors pourquoi un début si lent ? Certainement afin d’accentuer la progression, pour mieux laisser éclater la dernière scène. Un dommage collatéral donc, une perte nécessaire. Malgré ce bémol, Sound of Music manifeste une virtuosité dans l’art du double registre et une maîtrise certaine du paroxysme.
Profitez de cette petite mélodie du bonheur : elle ne dure pas, mais Dieu qu’elle est belle.