Par Valmir Rexhepi
Ephémère / écrit et mis en scène par Geoffroy Mathieu/ Théâtre de l’Aurore (Brest) / Festival FriScènes / 22 octobre 2015 / plus d’infos
Dans la nuit, des voix se rencontrent, par radios interposées. Elles s’entendent, s’écoutent, s’imaginent. Ephémère propose, avec une rare poésie, de voir l’effet des voix, d’écouter le contact des corps.
Dans une main statique, un verre s’allume. De part et d’autre de la scène, des colonnes de radios jettent des voix. Prise d’antenne. C’est Ephémère, création de Geoffroy Mathieu, interprétée par trois comédiens du Théâtre de l’Aurore. L’histoire se déroule sur les ondes : les personnages sont d’abord des voix qui se donnent par les appareils. La mise en scène est simple, efficace : des personnages qui occupent des espaces différenciés, clos, dans lesquels les voix pénètrent par les brèches que sont les radios. L’ambiance est sombre, tantôt sensuelle, tantôt violente. Et puis les voix laisseront place aux corps qui s’affronteront, en silence.
De la bouche de l’animateur sort une voix féminine, érotique, une voix qui serpente et glisse dans l’oreille. Ça sort d’un corps d’homme. Mais c’est un corps de catin, de partenaire torride que la voix donne à voir. Tandis qu’un des personnages communique avec cette voix, l’autre danse avec un mannequin sans tête, un corps de femme en plastique. Le mannequin semble être pour le personnage le moyen « d’incarner » la voix, de lui fixer un corps. Ce corps qui aura un temps le visage du désir. Plus tard, ce sera le visage fantasmé de la victime. Des visages qui ne prennent forme que par les voix. Des voix qui s’envisagent par l’imagination.
Pour un peu, on fermerait les yeux, on se laisserait porter sur les ondes par ces voix liées. Pourtant, les yeux, par paires (il n’y avait pas de borgne), sont grand ouverts. C’est qu’on regarde la radio. On assiste, comme les personnages, à l’effet de la voix, à sa matérialisation, à son toucher. La synesthésie n’est ici jamais loin.