Par Elisa Picci
Le Noshow / mise en scène Alexandre Fecteau / Equilibre-Nuithonie / du 7 au 10 octobre 2015
Le Noshow , c’est un jeu avec des isoloirs, une billetterie secrète, une bataille de marshmallows et des coups de téléphone en plein spectacle. Mais ce sont aussi des acteurs à l’accent chantant, des conceptions sonores et vidéos originales et surtout une véritable réflexion sur le théâtre et les tristes constats que cela implique.
Alexandre Fecteau et ses comédiens issus du collectif Nous sommes ici (fondé en 2008) et de la troupe DuBunker (fondé en 2005) présentent pour la première fois en Suisse Le Noshow, spectacle d’ouverture du Festival TransAmérique 2014, créé en 2013 au Carrefour international de théâtre au Québec.
Lorsqu’il va au théâtre, le spectateur commence forcément par se rendre à la billetterie afin d’obtenir ses places. Mais avec le Noshow, ça ne fonctionne pas comme cela. Dans le hall du théâtre Nuithonie se trouvent des isoloirs, où les gens sont invités par les comédiens à aller sélectionner le prix qu’ils souhaitent payer pour le spectacle, parmi six propositions allant de 0 à 116 francs. Une fois le prix décidé, il ne reste plus qu’à glisser le papier dans une petite fente prévue à cet effet à la billetterie, le tout dans l’anonymat le plus total. C’est ici que tout commence, car le spectacle sera monté en fonction de ce que le public a payé.
Dès le début, les comédiens jouent cartes sur table. Le 7 octobre 2015 au théâtre Nuithonie, avec ce que le public a donné, seuls trois comédiens peuvent recevoir un salaire correct sur les sept présents. Ce sont donc eux qui feront le show et c’est au public de les choisir. Grâce à une petite collecte de dernière minute à l’aide de chapeaux, un quatrième comédien peut être admis. Les acteurs passent donc une véritable audition, projetée sur un écran qui domine l’arrière de la scène. Les spectateurs doivent ensuite voter à l’aide de leurs téléphones portables en envoyant le numéro des quatre comédiens qu’ils souhaitent voir jouer (le numéro de téléphone à effectuer étant projeté à l’écran). Une mise en valeur du rôle du public très amusante et extrêmement motivante puisque tout le monde s’empresse de sortir son téléphone !
Puis, pendant 2h15, les spectateurs se retrouvent véritablement au cœur du show: ils montent sur scène, reçoivent des appels des comédiens qui n’ont pas été sélectionnés, ou encore parlent de leur métier et révèlent combien ils gagnent. Tout est donc systématiquement inattendu et formidablement divertissant.
En parallèle, les comédiens prennent la parole tour à tour pour expliquer leur parcours et les difficultés qu’ils rencontrent dans leur métier. L’euphorie laisse donc place à la réflexion et à la triste vérité des métiers artistiques de nos jours : il est difficile pour les artistes, quel que soit le succès de leur spectacle, de vivre de leur passion. Le Noshow correspond à un spectacle anticonformiste : les comédiens ont appris et répété leur texte, mais ne savent pas s’ils pourront le jouer sur scène. Tout se fait avec les moyens à disposition qui ne dépendent que du public, véritable moteur du show. C’est ensuite aux acteurs d’improviser pour faire passer leur message. Finalement, le point fort de ce spectacle est sans doute le naturel et la transparence dont les comédiens font preuve. Toute l’industrie du théâtre est expliquée en détails, chiffres à l’appui. Le langage est aussi très spontané par les balbutiements ou les répétitions. Les choses sont exposées telles qu’elles sont dans la réalité d’aujourd’hui.
Le Noshow est donc un spectacle très drôle et original mais également touchant et d’un réalisme exemplaire. On ne vous en dira pas plus, à vous de le découvrir absolument jusqu’au 10 octobre au théâtre Nuithonie !