Par Waqas Mirza
La Possible Impossible Maison / de Forced Entertainement / mise en scène Tim Etchells / Théâtre de Vidy / du 6 au 15 octobre 2015 / plus d’infos
Faite de projections sur des cartons et de bruitages artisanaux qui accompagnent une intrigue saugrenue, la nouvelle pièce signée Forced Entertainment enchante les petits autant qu’elle interloque les grands. Un spectacle farfelu « fait-main ».
“Ca fait quoi comme bruit, un trou?” Aucun, répondrait toute personne saine d’esprit. Aussi ne s’attendrait-on jamais à s’entendre poser une telle question au beau milieu d’une pièce de théâtre dédiée à la petite enfance. Car dans La Possible Impossible Maison, le personnage principal du spectacle, c’est vous. C’est directement aux enfants que s’adresse Alain, un conteur aux longs cheveux frisés qui bricole petit à petit son histoire. Debout face au public, il sait lui donner l’impression que son récit est unique, inventé sur mesure et conçu spécialement pour lui. Sur scène, il y a aussi Judith, la demoiselle qui s’occupe en direct du doublage-son, avec une extrême minutie. Il prête sa voix aux personnages tandis qu’elle pianote sur son synthétiseur. Au cours de l’aventure, le spectateur rencontre une fillette dessinée qui réclame son aide. Elle vit dans un livre de mathématiques et cherche l’araignée de la page d’en face.
Tous les autres personnages ne sont que des ombres projetées sur des bouts de carton déchirés: un fantôme “pas-très-effrayant”, un chien “vraiment poli”, un groupe d’oiseaux chorégraphes qui, les uns après les autres, font irruption dans l’histoire. D’une absurdité enfantine, le spectacle entier semble s’être échappé d’un rêve. L’incongruité des apparitions est telle que l’enchaînement des scènes joue sur le registre de l’improvisation. Cependant, Alain racontera exactement la même histoire, tous les soirs, jusqu’au 15 octobre.
C’est certainement le potentiel comique de l’interaction entre Alain et Judith qui suscite le plus de rires. Parfois, Judith veut prendre le relais et faire parler les personnages, mais elle ne sait pas ce qu’ils disent. Elle ne cesse d’interrompre Alain pour lui proposer un son qui imiterait bien des soldats-dansants, ou un rhinocéros très têtu. L’exaspération d’Alain reste joyeuse, il ne s’énerve jamais. Pourtant, Judith pense bien faire en mâchant du céleri de façon excessivement bruyante dans une tentative de reproduire le bruit d’une souris qui goûte du chewing-gum pour la première fois… “Bizarre ce que vous faites, vous les humains” marmonne-t-elle.
La compagnie Forced Entertainement signe son premier spectacle pour jeune public, mais son succès est indéniable. A l’ère des films d’animations hollywoodiens, The Possible Impossible House sait séduire la petite enfance malgré l’absence de dessins animés en 3D et autres effets spéciaux sophistiqués. Même “fait-main”, le spectacle convainc. La preuve que parfois, nul besoin d’investir dans des graphismes coûteux. Quelques gribouillages agrémentés de bruitages suffisent pour captiver l’attention des plus petits. Les parents, eux, quitteront tout de même la salle en se demandant ce qu’il y avait de véritablement “possible-impossible” dans les couloirs de cette maison. Mais ce sont les enfants qui auront le dernier mot, et il semblerait qu’ils aient tous adoré l’aventure hilarante dans le labyrinthe d’Alain.