Soif d’identité

Par Elisa Picci

Home-Made / mise en scène Magali Tosato / Théâtre de Vidy / Du 22 septembre au 4 octobre 2015 / plus d’infos

©Samuel Rubio
©Samuel Rubio

Avec Home-Made, Magali Tosato offre une remise en question de tous les fondements qui façonnent de manière générale l’être humain. L’enfance, la famille, le cadre social et surtout la mère deviennent soudain de profonds sujets de réflexion. Une mise en scène qui ne laisse pas de marbre et invite à repenser certains concepts fondamentaux.

Cette pièce est inspirée du roman de Fritz Zorn, Mars : le protagoniste, un richissime Zurichois, apprend qu’il est condamné par un cancer en phase terminale. Il repense alors à sa vie et remet totalement en cause son éducation bourgeoise, qu’il rend d’ailleurs responsable de sa maladie. Home-Made propose à son tour un questionnement sur l’éducation, en pointant du doigt la construction de l’identité, qui se veut tout entière conditionnée par le cadre culturel et familial. Que reste-t-il de l’individu au-delà de ces contextes ? Magali Tosato poursuit cette réflexion sans forcément y apporter de réponses précises. À chacun sa façon de ressentir la pièce.

La transparence est un élément qui percute et intrigue le public immédiatement : alors que des gens s’installent encore, les spectateurs déjà assis peuvent observer librement la scénographie. Des tables sous lesquelles on aperçoit des pis de vache et un seau ne manquent pas de titiller l’imagination. Une sorte de grande cabane en verre, habitée de quelques plantes, domine le côté droit de la scène. S’ajoute encore un panneau sur lequel est écrit en gros PARADISE dans le fond de la scène. Un ensemble d’éléments qui n’ont à priori aucun lien les uns avec les autres, mais qui captent efficacement l’attention dès le début. Sans compter les va-et-vient des deux comédiens, Baptiste Coustenoble et Tomas Gonzalez, qui attendent patiemment que la pièce puisse commencer.

Cette scénographie perd ensuite de son intérêt tant le propos, très riche en réflexion, se suffit à lui-même. Le panneau sert toutefois efficacement de support audiovisuel pour des images qui documentent l’enfance des comédiens. À la manière d’une psychanalyse, ceux-ci s’interrogent sur ce qui fonde l’identité d’un homme. Faut-il se débarrasser de son bagage familial pour devenir réellement quelqu’un ? Cette question focalise rapidement le propos autour d’une personne phare dans la vie de chaque individu : la mère. Conditionne-t-elle l’enfant à sa propre vision de la réalité, faisant de lui un homme façonné et non libre d’être vraiment qui il est ? Sommes-nous tous des enfants « faits-maison », créés selon différents concepts établis par notre mère ? Cette pièce finit alors par concerner n’importe quelle personne, âge et sexe confondus.

À noter que le spectateur ne fait pas que réfléchir, mais rit beaucoup également. Les passages où Tomas Gonzalez joue le rôle d’une mère et Baptiste Coustenoble celui d’un enfant sont très drôles, grâce au jeu subtil et non stéréotypé des comédiens. Ils permettent ainsi une mise à distance du propos, pour revenir ensuite à une tonalité plus sérieuse. Le mélange des deux contribue donc à garder le spectateur attentif et enrichit de manière générale le ressenti que le public peut avoir de la pièce. Les émotions se bousculent, tout comme les questionnements qui germent peu à peu dans la tête de chacun.

Une pièce qui nourrit l’esprit, dérange parfois et amuse souvent, à découvrir au théâtre de Vidy à Lausanne jusqu’au 4 octobre 2015 !