par Deborah Strebel
Oblomov / d’Ivan Gontcharov / mise en scène de Dorian Rossel / du 1er au 12 septembre 2015 (relâche le 7 septembre) / Théâtre de l’Orangerie / plus d’infos
Spectacle profond et rythmé, ponctué par de jolis moments d’humour, « Oblomov » présente le prototype du paresseux, grand adepte de la sieste et roi de la procrastination.
Après avoir été jouée à plusieurs reprises l’année passée en Suisse, au forum de Meyrin et au Théâtre Kleber-Méleau, l’adaptation par Dorian Rossel du célèbre roman de mœurs d’Ivan Gontcharov paru en 1859 est partie en tournée en France. Elle revient actuellement pour une halte d’une dizaine de jours au Théâtre de l’Orangerie. Le metteur en scène franco-suisse a pour habitude de multiplier ses sources d’inspiration, du cinéma à la bande dessinée. Cette fois-ci, il s’est intéressé à un archétype de la littérature russe : Oblomov. Jeune aristocrate oisif, un brin hypocondriaque, fuyant toutes responsabilités et autres décisions, ce personnage est devenu un réel mythe et a même inspiré la création d’un substantif : l’« oblomovisme ».
Fidèle à son univers, alliant esthétisme et inventivité, le fondateur de la Cie STT (Super Trop Top) met en lumière, à l’aide de dispositifs ingénieux, les diverses facettes de la personnalité d’Oblomov, notamment en ayant recours au chœur. Un même personnage est parfois interprété par plusieurs acteurs, soulignant ainsi la complexité des réflexions intimes qui le traversent. Car il cogite, Oblomov. Reclus dans son appartement poussiéreux, aux murs fendus d’où s’échappent de temps à autre quelques punaises, il observe de loin la société qui « bourdonne ». Ne quittant jamais sa robe de chambre, attribut du parfait fainéant, il passe ses journées à se lever pour se recoucher. Sa torpeur contagieuse atteint son valet qui ne se donne plus la peine de nettoyer. Des amis défilent dans l’antre d’Oblomov, dans l’espoir de lui faire quitter sa demeure. Immobile, s’emmitouflant dans de douces couvertures molletonnées aux couleurs chaudes disposées sur le sol, il congédie ses hôtes pour s’adonner à sa principale activité : dormir. Rien ne semble le détourner de son indolence, ni les tracas économiques, ni la contrainte de devoir déménager. Seul l’amour lui donne un bref instant l’envie de vivre, de sortir dans les champs.
Qu’elle dissimule une fuite de la réalité ou des tourments existentiels, la flemmardise d’Oblomov est dépeinte de manière vivante grâce un enchaînement rythmé et à une scénographie évolutive, imaginée par Sibylle Kössler. Un écran translucide divise l’espace en diagonale. Tantôt transparent, il dévoile des musiciens interprétant des morceaux en direct, tantôt plus opaque, il se transforme en miroir et reflète fidèlement ce qui se déroule en avant-scène.
En réunissant, dans un décor qui s’épure petit à petit, la jeune troupe française O’Brother Company, fondée en 2011 et sa compagnie romande, la STT, Dorian Rossel nous présente un Oblomov attachant dont l’apathie n’en fait pas un dépressif ennuyeux mais un sympathique résigné, nostalgique de ses rêves d’enfant.