par Jonathan Hofer
Riquet / d’Antoine Herniotte / d’après Charles Perrault / mise en scène Laurent Brethome / du 5 au 10 mai / Théâtre Am Stram Gram / plus d’infos
Que faire quand on est moche mais très intelligent ? La réponse paraît évidente : il faut s’autoproclamer « prince de la nuit » ! Fermer les yeux, ne plus vivre du regard des autres et danser toute la journée.
Adapté du conte de Perrault par Antoine Herniotte, Riquet raconte l’histoire d’un prince et de deux princesses. Le personnage éponyme ainsi que l’une des princesses se voient pourvus du plus brillant esprit mais d’un physique innommable, alors que la dernière princesse est infiniment belle, mais bête comme ses pieds ! Pendant que Riquet, fraîchement autoproclamé prince de la nuit, se réfugie dans la forêt sans lumière, les deux princesses doivent trouver un mari pour succéder à leur vieux père, trop âgé pour continuer à porter la couronne – littéralement.
Sous la direction de Laurent Brethome, cette fable de la fin du XVIIe siècle reprend vie. Grâce notamment à la contribution de Louis Lavedan – artiste plasticien présent pendant la représentation – les effets scéniques sont travaillés par des dichotomies : inesthétique et esthétique, poésie et froideur implacable, nuit et jour… tout se mêle, forme contraste pour que la beauté naisse dans la laideur.
Riquet doit être un spectacle pour les enfants : c’est du moins ce que laisse penser la simple observation du public. Difficile cependant, au début, d’imaginer que les bambins peuvent apprécier autant de deuxième degré, d’allusions, de phrases lourdes de sens dans un discours qui, bien que très varié dans sa forme, se veut plutôt sérieux. La grossièreté des décors et des costumes surprend également : du papier mal soigné en fond, des chapeaux pointus et des baguettes pour signifier les fées, …Toute la réussite du spectacle est cependant là. Comment traiter un sujet douloureux, celui de la laideur, touchant particulièrement – chacun doit s’en souvenir – le monde des enfants ? Il faut prendre par la main, accompagner, plus encore : créer un monde avec les spectateurs. En cela, Riquet fonctionne très bien. Petit à petit, laissant les images parler, parfois à travers des marionnettes, parfois dans le noir presque complet et parfois dans la simplicité de la scène. Dans une poétique féerique, la performance donne à rêver. En sortant de la salle, les adultes seront plus enfants que les jeunes spectateurs !
Les enfants y trouveront eux aussi certainement leur compte au final. Patrick,12 ans, me l’a assuré : « au début je m’ennuyais mais à la fin c’était vraiment trop joli ». Que petits et grands se rendent au théâtre Am Stram Gram pour se laisser bercer, pour rire et pleurer, qui sait ?