par Léa Giotto
mise en scène de Sandra Gaudin / du 5 au 10 mai 2015 / CPO / plus d’infos / en tournée jusqu’au 14 juin 2015
Qui sommes-nous lorsque, n’ayant plus d’obligations, nous pouvons enfin profiter de ces quelques jours de vacances desquels nous avons tant rêvé ? La troupe un Air de Rien se propose de questionner, sur un ton léger et décalé, notre rapport aux vacances en ce qu’elles constituent un phénomène social particulièrement illustratif de notre irrationalité.
Au travers d’un retour sur l’origine de ce phénomène social que sont les vacances, la troupe pose un regard cynique sur ce que nous sommes lorsque nous ne faisons rien. Plusieurs chapitres mettent chacun en avant un aspect différent de ce que sont et de ce qu’ont été les vacances, des premiers contacts avec la crème solaire à une rétrospective sur le combat pour les congés payés. À l’aide d’un support d’archives télévisées sur lequel rebondit le jeu des acteurs s’opère un retour sur notre propre rapport aux vacances.
Est-ce une fine critique sociale ? Un retour touchant sur ce que nos grands-parents et arrières-grands-parents ont lutté pour obtenir ? Ou simplement une comédie cynique qui cherche à pointer l’absurdité de certains de nos comportements de vacanciers ? Tous ces aspects s’enchâssent et s’enchaînent avec finesse et humour. Si la pièce n’est pas construite sur le modèle d’une intrigue, la réflexion suit néanmoins un fil rouge et s’avère être plus profonde que ce que l’on pourrait supposer au premier abord. Après le premier regard critique sur le côté superficiel et parfois ridicule des vacanciers, la pièce s’oriente rapidement vers un rappel de l’origine des vacances : ce droit, qui nous paraît aujourd’hui évident, relevait en son temps d’une véritable révolution sociale. Plusieurs stades de réflexion aboutissent sur la mise en perspective de ce que les vacances disent de nous lorsque, n’étant plus soumis aux règles du travail, nous nous retrouvons démunis face à l’oisiveté tant fantasmée.
La mise en scène des différents personnages hauts en couleur que nous sommes susceptibles de croiser ou d’incarner durant nos vacances est portée par des comédiens émérites qui jonglent avec naturel d’un caractère à l’autre et équilibrent humour et sérieux avec adresse. Les scènes sont accompagnées d’un jeu d’images jonglant sur les différents écrans disposés en profondeur et créant un phénomène d’association d’idées, parfois filmées simultanément, de manière subtile et efficace par un vidéaste intégré à la pièce. La musique assurée en direct par un musicien fait également partie intégrante du spectacle en posant à chaque fois une atmosphère avant même le début de la scène.
Active depuis près de dix ans, la troupe un Air de Rien propose ici un questionnement plutôt sérieux sur un ton charmant et décalé. Malgré le fait que le lien entre certaines scènes ressemble plus à une succession qu’à un véritable enchaînement, le tout reste bien construit et agréable à suivre. La troupe nous entraîne avec elle dans sa réflexion : ces vacances, tant espérées, tant fantasmées, que disent-elles de nous, en fin de compte ?